28.10.04

Ce n'est plus ce que c'était...

Discussion à haute et intelligible voix, entre deux dames bien sous tout rapport, à l'opéra Bastille, mardi soir :

- ... Comme vous dites : tout change trop vite.
- Oui c'est comme le Monoprix du Faubourg Saint Antoine. Ils ont fait des travaux "d'embellissement" (elle insiste bien sur le mot). Si si! C'est ce qu'ils avaient écrit sur des petites affiches.
- Ah oui? Lui répond l'autre dame bien sous tout rapport.
- Oui! Et bien moi je suis désolée. Je ne trouve pas qu'ils ont embelli quoi que ce soit. Et je dirais même qu'ils ont dénaturé ce lieu.

Je sens un sourire moqueur me tirailler les lèvres. Ce n'est pas bien Alexandre de se moquer des gens... Oui mais elles parlent fort aussi. Elles ont envie qu'on les entende, surtout celle qui trouve qu'on a dénaturé son supermarché... Mais chut! Elles continuent à parler...

- Oui Martine! Ils ont dénaturé ce lieu. Je le connais depuis que j'ai 4 ans, ce magasin (aux nombre de rides, ça devait être à la fin des années quarantes) . Vous pensez bien que j'y suis habituée. Et bien, à chaque fois qu'ils ont cherché à améliorer ce lieu, ils ont, au contraire dénaturé l'endroit.
- Ah oui! Je comprends, répond Martine (ce n'est pas son vrai prénom mais je l'aime bien celui là et je trouve qu'il lui va bien).
- C'est bien simple Martine! Quand je suis retournée faire mes courses, après les travaux, je n'ai rien reconnu... On n'y retrouve plus rien... La lumière est trop forte; les rayons sont mal agencés. C'est affreux... C'est un mélange de... Comment dire... Voyons... A quoi pourrais-je comparer... Humm... Je ne trouve pas mes mots... Heu... Oui Voilà! C'est un mélange inconcevable entre HAIDE (les magasins discount E.D. l'Epicier, NdT) et une brocante...
- Non? Répond Martine, comme si on venait de lui apprendre la mort du Président (?) Chirac; avec de l'angoisse dans la voix et en même temps une certaine admiration envers son amie qui a osé entrer dans ce genre de magasin.
- Ah! Ecoutez Martine! Le rayon cosmétique est aussi pauvre que chez Yves Rocher (si si je vous assure, elle a dit cela) et le rayon vêtements ... Si on peut l'appeler ainsi... Il n'y a rien!

Vu le standing de ces deux dames bien sous tout rapport, je ne suis pas sûr qu'elles s'habillent au Monoprix... Mais bon! Laissons la continuer.

-Vous me connaissez, Martine. Je ne suis du genre à rouspéter tout le temps. Mais là, je n'ai pas pu me retenir et j'ai fait part de mon mécontentement au caissier. Je lui ai dit que ces soi disant travaux d'embellissement étaient en fait des travaux d'enlaidissement.
- Vous avez raison. Il ne faut pas se laisser faire. Nous avons notre mot à dire. Nous sommes les clientes après tout, dit Martine qui est sans doute une femme bien sous tout rapport mais avec des idées révolutionnaires.
- Mais tout à fait. Mais tout à fait.

J'essayais d'imaginer la tête bovine du pauvre caissier qui s'est pris ce soufflet de la client. Le regard vide, du genre "mais du quoi tu me parles, toi". Bon, je ne connais pas le caissier en question et ma remarque animalière sur sa tête est sans doute injustifiée mais je règle ici mon compte avec un caissier du Monoprix près de chez moi (qui n'est pas le même que celui que fréquente ces deux dames bien sous tout rapport) que je n'aime pas. C'est facile, certes, mais en même temps je ne connais pas l'autre. Et je vais partir du principe qu'il y a une possibilité que ce caissier ait aussi une tête bovine. Je ferme la parenthèse.

- Je vais vous dire Martine...

Et là la conclusion qui tue...

- De toute façon, Paris n'est plus ce qu'il était...
- J'allais vous le dire, répond Martine.

La clochette annonçant la reprise de l'opera sonne. Nos deux dames bien sous tout rapport se dirigent vers l'entrée de la salle en laissant leur deux verres de champagne à moitié plein sur le rebord d'une fenêtre.

Que j'aime ces trente minutes d'entracte à Bastille.

2 commentaires:

Rafaele a dit…

Eh bien je vois qu'on a vite appris à justifier son texte ! :op

Eric a dit…

il fallait juste savoir ce que voulait dire : "justifier un texte"