23.4.05

Macha

Elle fut belle, Macha. Mais elle ne l'est plus. Le poids des ans a pesé sur ses frêles épaules. Elle en est restée voutée.
Elle est vieille, Macha. Mais elle a gardé le regard pétillant de sa folle jeunesse. Ses yeux bleus mutins et rieurs n'ont pas l'âge de ses rides.
Elle est drôle, Macha. Accoudée au bar, son petit ballon de muscat toujours à portée de sa main, elle raconte ses souvenirs, ses anecdotes d'une autre époque.
Elle parle fort, Macha. Elle a gardé l'accent Titi de son enfance. Elle taquine. Elle est espiègle. A travers la fumée bleutée de sa gauloise blonde, elle lance des oeillades égrillards en direction du petit Pierre, le serveur.
Elle l'aime bien Pierre, Macha. Elle le lui dit tout le temps. Cela le fait rougir. Elle aime bien le faire rougir. Je crois qu'elle le drague.
Elle est femme, Macha. Il faut voir ses longs doigts parés de couleurs des plus improbables. Ses bijoux chics et tocs. Son petit sac à main LV, son "baisenville", comme elle aime l'appeler.
Elle est touchante, Macha. Avec sa tête tremblante; sa fine canne en acajou; ses lunettes noires qui pendent à son cou.
Aujourd'hui, Macha a fêté son anniversaire. Elle refuse de donner son âge car ça ne se demande pas, à son âge. Elle n'a pas soufflé de bougies sur le gâteau car il n'y aurait plus de place dessus, dit-elle en riant. Elle semble heureuse de partager ce moment au bar de ce café. Le petit Pierre lui a offert un petit muscat. Macha lui a fait la bise. Elle m'a offert mon expresso, alors que je ne lui avais jamais parlé. Elle m'a demandé mon prénom et m'a demandé ce que j'aimais. Elle a bu plus que de raison, pour cette occasion. Ses yeux ont pétillé encore plus que d'habitude, ce midi; elle a ri encore plus fort. Au coin des yeux, une petite brillance humide. Une larme? Le plaisir? La nostalgie?
Je suis parti, attendu par mes impératifs laborieux. Macha m'a fait un grand signe de sa main frêle pour me dire au revoir et un clin d'oeil pour me souhaiter bon courage.
Elle est bien, Macha.

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