3.7.06

Et je me suis dit

Il y aurait des choses à dire. Beaucoup trop. Des choses sans importances, sans conséquences, sans incidences, sans consistance. De petites banalités en grandes vérités vaines. Des paroles qui dépassent le cadre de ma petite personne. De j'aime, j'aime pas, tout personnels et relatifs, en j'aimerais bien que, ça serait bien que ou il faudrait que, tout en conditionnels et de pure forme.
Ca pourrait commencer par il fait trop chaud ce soir. Que j'aime bien ce croissant de lune et ses deux étoiles brillantes formant un triangle amoureux impossible dans le ciel clair de Paris. Que décidément, je n'aime pas la noix de coco. Ca n'ira pas plus loin que le bout de mes doigts qui frappent ces mots sur le clavier.
Je pourrais dire aussi que je trouve triste des les voir tous les deux assis sur leur canapé, un dimanche après midi; assis là sans mots échangés à attendre. Attendre quoi? Que les minutes passent? Que je leur dise des choses inintéressantes? La voir ainsi me regardant avec ce regard un peu triste m'a remué mais, en même temps, je n'ai rien trouvé à dire. Que devrais-je dire? Je les ai tellement vu ainsi, que cela me semble faire parti de leur vie. Alors, je me suis installé dans leur mutisme, assis sur mon fauteuil, en face d'eux. Et j'ai aimé partager ces instants là avec eux.
Je dirais bien aussi que j'ai été ému et heureux quand elle a sous entendu que dans sept mois, je serais à nouveau tonton. Qu'il est étrange qu'un événement comme celui ci n'est même pas été dis avec des mots. Seulement un sobre : "ah non, maintenant, je ne peux plus boire". C'est triste de ne pas savoir exprimer ce simple bonheur qui la transporte. Une annonce en parenthèse. Un "excusez moi de vous avoir déranger avec mes problèmes". Une sorte de secret qu'il ne faut surtout pas ébruiter. Et moi, en garçon pas comme les autres © que je suis, qui ait tenté d'exprimer toute la joie qui était mienne à ce moment là (avec quelque humidité au bord des yeux) mais qu'il a fallu réprimer bien vite devant les yeux surpris des autres autours de la table. Les yeux pétillants sont devenus la faute de ce vin pétillant qui me tournait déjà la tête. Son bonheur tout gêné mais pourtant exprimé par ce sourire que je ne lui connaissais pas. Je n'ai même pas été fichu de lui dire à quel point j'étais heureux pour elle. Les sentiments se refoulent dans cette famille. Ca en devient étouffant.
Il faudrait que je dise que j'ai adoré faire la sieste, allongé tête bêche avec le Sage Dormeur. Que j'ai aimé les revoir tous, même trop rapidement. Que j'aime toujours autant faire découvrir ce beau pays qui est le mien à mon cher et tendre. Que j'aime voir conduire mon père, dans le rétroviseur, même si on roule à la vitesse strictement autorisée par la loi en vigueur, aux sons désuets de la musette. Que j'aime me balader avec mes parents qui sont prêts à faire plus d'une centaine de kilomètres parce que j'ai eu envie d'aller voir les ruines d'un village fortifié. Que j'aime mon père quand nous sommes en petit comité mais que je l'aime beaucoup moins quand il fait le patriarche démodé et exaspérant; le fanfaron autoritaire et débectant.
Je pourrais dire aussi qu'aujourd'hui j'ai eu peur comme jamais je n'ai eu peur. Peur d'un simple petit changement. Tellement peur que j'en ai été paralysé une bonne partie de la matinée. La peur d'un débutant qui a peur de mal faire alors que je n'ai plus grand chose à leur prouver. Je pourrais dire que je me suis senti extrèmement seul pendant cette première journée, comme rarement je l'ai été dans cette société. Perte de tous mes repères. Perte de moyens. Pas de fous rire salvateurs. Plus d'oreilles attentives dans lesquelles je pouvais m'épancher. Aujourd'hui, les oreilles de mes compagnons de travail n'entendaient que le téléphone sonner. Impression étourdissante d'être un robot parmis un gang de robots avec cette volonté qui me triture déjà les entrailles d'humaniser cette ambiance besogneuse et bruissante avec mes blagues à deux balles. Envie de faire le pitre pour sentir que je suis encore un humain. Envie de dire que je suis sorti déprimé et désemparé de cette journée. Il faut se ressaisir et surtout ne pas laisser paraître que je me suis retrouvé hors course pendant cette journée. Ce n'est pas bon pour l'image. Donc je ne le dirais pas.
Finalement, accepter ce que je clame haut et fort depuis un mois pour tenter de m'auto-convaincre que j'ai bien fait d'accepter ce poste temporaire. Deux mois, c'est si vite passé, Non?
Dire tout cela et n'importe quoi et plus encore. Parce que cela défoule de mettre des mots sur des idées et des impressions qui tournent en rond dans le ciboulot. Parce que, même si c'est bateau comme idée, la vie c'est ça : de petites peines; de petites joies, petits bonheurs, petits malheurs. C'est ça la vie. C'est ça ma vie. Et, je le dirais encore bien fort : ah que la vie est belle. Et ce n'est pas le scintillement de la Tour Eiffel qui accompagne ma fin de soirée qui me fera dire le contraire.

3 commentaires:

Andrea a dit…

Tu n'aime pas la Tour scintillante?

Eric a dit…

Au contraire, je l'adore !

Andrea a dit…

Moi aussi...mais c'est difficile a voir d'ici...