6.12.06

Les aléas du direct

La journée n'avait été ni pire qu'une autre; ni mieux qu'une autre, d'ailleurs. Une triste journée de travail, tout simplement.
Pourtant, dans le fond, cette journée là n'était pas comme les autres. Je m'étais réveillé à Paris et je m'endormirais ailleurs, loin, loin d'ici. A des centaines de kilomètres de ma couette habituelle.
C'est long une journée à attendre. A attendre l'heure de partir. A attendre le moment où l'avion s'élancera dans les airs.
Et lentement mais surement, le moment est arrivé. J'avoue que le simple fait de quitter le bureau ce soir là et de me dire que je n'aurais pas à y remettre les pieds avant le lundi suivant m'a rempli d'une joie profonde. Trois jours à ne pas penser à autre chose qu'à nous.
Grimper dans le bus qui nous conduirait vers l'aéroport, première étape du dépaysement tant attendu. Les rues de Paris se sont échappées, les unes après les autres, à mon regard mouillé. Je quittais Paris et j'en aurais chialé de bonheur. Qui l'eut cru. L'aéroport est vite arrivé, géante fourmilière de passagers en arrivée ou en départ. Les écrans qui s'intillent en allongeant la liste des villes qui seront bientôt desservies par les gros oiseaux de fer. Et, elle est là. Barcelone est dans la liste. Ca y est nous y sommes. Enfin.
Pourtant, cette ligne clignotte en rouge en alternant les mots "annulé" et "cancelled". Non. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas notre vol qui est annulé... Je ne veux y croire. Ils ne peuvent pas nous faire ça, pas à nous. A côté de moi, le Sage E. s'est raidi mais pas un mot n'est sorti. Nous sommes resté un moment sans pouvoir faire autre chose que fixer cet écran maudit qui martelait son "annulé" obsène. Le comptoire d'informations de la compagnie nous confirme que le vol a été annulé. Pas de raisons invoquées, le contraire aurait été étonnant. On nous informe juste que nous partirons bien ce soir mais via Madrid. Nous sommes rassurés et les sourirs recommencent à fleurir sur nos lèvres, même si nous arrivons à Barcelone qu'à 1h00 du matin. Mais qu'est-ce que c'est que 3 heures de retard, quand il y a trois jours derrière?
L'avion est parti puis a attéri et puis a redecollé avant de se poser pour de bon sur le tarmac de Barcelone. Il faisait nuit. Nous étions fatigués, exténués même. Une seule envie, aller dormir pour bien commencer, frais et relax, la visite de la ville. Pour profiter pleinement des jolies choses que nous ne faisions qu'apercevoir dans le bus qui nous déposerait dans le centre ville, sur la place Catalunia.
Il était pourtant presque 2h00 du matin mais les Ramblas étaient encore noires de monde. On m'avait dit que Barcelone vivait beaucoup la nuit mais j'étais loin de me l'imaginer comme cela. Il faisait encore doux. L'ambiance était assez étourdissante, bruissante et bruyante et touristique aussi. Mais la première langue que nous avons entendu parlé (en dehors de l'espagnol bien sûr) a été le Français. Je croyais pourtant qu'on partait pour le dépaysement...
Il nous fallait chercher maintenant l'hôtel que nous avions reservé. Idéalement placé sur les Ramblas, ce petit hôtel une étoile n'était pas un hôtel de charme, nous étions prévenus. Mais ce que nous avons vu en arrivant nous a donné envie de fuire en courant plus vite que ça. La pension Mendoza se trouve en 4ème étage d'un immeuble assez peu reluisant. Nous sommes accueillis par un grand gaillard d'origine indienne, à la tête patibulaire, une tête de méchant, comme dans les films de pirates. Nous entrons dans un petit couloir, avec des portes en papier pates cartonnées numérotées. C'est gris; ça sent le graillon. Aucune décoration, pas de confort. C'est assez triste comme endroit. Le couloir débouche sur une vaste pièce qui sert de réception, de salle télévision et de salle à manger cuisine. Dans ces instants là, on a beau se dire que ce n'est pas grave, qu'on est là juste pour dormir, il est clair qu'on aimerait être ailleurs. Mais eu égard à l'heure avancée de la nuit et de notre état de fatigue, nous prenons la chambre qu'il nous propose. La chambre 6. Celle qui débouche juste sur la salle multi-fonction. Le Sage qui entre le premier dans la chambre a le visage qui s'est fermé d'un coup. Il faut dire que cette chambre, puisque c'est ainsi qu'elle est appelé, fait plus penser à une cellule, que ce soit de prisonnier ou de moine. Un lit dans un coin, en face d'une mini fenêtre opaque. Des draps grisatres sont pliés au bord du lit mais pas de couvertures. Nous devrons le faire nous même avant de nous coucher. Accrochés sur un mur, une armoire bricolée avec quatre planches mal assorties et mal assemblées, et un porte manteau rouillé. Au fond, à coté de l'opercule, la salle de bain tout confort, fermée par un rideau plastifié rose qui rappelle le rideau bleu qui bouche la douche. Un wc, un lavabo ébreché, un bac de douche plat qui laisse couler l'eau à l'extérieur. Spartiate. Rien n'est neuf, excepté le ventilateur au plafond et un superbe cadre d'une rose rose. C'est loin d'être l'endroit rêvé mais bon, il faut savoir faire abstraction, même si le Sage E. est décomposé. Je le sens qui bout intérieurement, une colère froide, un abatement certain, un découragement assuré. C'en était trop pour ce début de week-end qui devait être idyllique. Mais il n'était pas au bout de ses peines, le pauvre. Puisque le gardien de nuit a decidé de regarder la télévision. Et que regarde un gardien indien, la nuit à 2h00 du matin? Un film bollywood, ceux avec les chansons avec les chanteuses à la voix haut perchée. Tout le monde sait que j'apprécie ce type de film. Mais je peux garantir qu'après une nuit à essayer de se forcer à dormir alors que ca chante en indi dans la pièce qui jouxte donne des envies de meurtre et de maudire à vie ce cinéma là. Si, si, vraiment. Avec deux cachets "relaxant, j'ai finis par m'endormir à 6h00 du matin, pour être réveillé à 6h30 par le froid. Et puis, finalement, vaincu par la fatigue, j'ai plongé dans un sommeil troublé, absolument pas reposant. J'ai eu une relative chance parce que le Sage E., lui, n'a pas fermé l'oeil de la nuit.
Ca ne pouvait pas durer ainsi durant trois nuits. Impossible. Le matin, nous avons pris la décision qui était à prendre. On annulait les deux autres nuits, à la grande surprise de la demoiselle (qui n'a pas dû comprendre ce qu'on lui disait dans notre anglais approximatif) de l'accueil. Il fallait donc que nous partions à la recherche d'un autre hôtel. C'est là, où moi je stresse. Partir à l'aventure comme cela, ce n'est vraiment pas pour moi. J'aime que tout soit organisé au niveau de la logistique. Heureusement, le bureau d'informations touristiques de la ville à parfaitement bien fonctionné et, moins d'une heure après avoir quitté le taudis, nous posions nos bagages dans une chambre d'un hôtel trois étoiles, plus cher, certes, mais tellement plus confortable.
Ces péripéties passées, le week-end s'est parfaitement déroulé, comme nous l'avions rêvé. Mieux que nous l'avions rêvé.

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