21.5.07

Cleopatre, fille du Nil

Il m'a dit :

" Je t'emmène au cinéma. C'est une surprise. Il ne faudra pas que tu te rancardes. Il faudra te laisser porter".

Docilement, je l'ai écouté. Je lui ai dit d'accord, je te suis, les yeux fermés. Les seules informations dont je disposais, c'était que nous allions à la cinémathèque pour 14h30. Il m'a laissé faire, devant bien rire intérieurement, quand j'ai pris mon appareil photo, me disant qu'après la séance, nous pourrions aller nous promener sur les bords de la Seine. Comme il me l'avait demandé, je me suis tenu à l'écart complet même lorsqu'il a acheté les billets. La curiosité était pourtant de plus en plus mordante mais pas la moindre affiche, pas le moindre détail qui aurait pu l'étancher.
L'ouvreur en nous donnant l'accès à la salle nous dit avec le sourire, l'entracte sera de 15 minutes. Un entracte? Pour un film? Mais où a-t-il bien pu m'embarquer? Devant ma mine surprise, il a de nouveau souri content de son effet. Bien, je dispose d'un autre élément qui pourtant ne m'avance pas beaucoup. Le film sera long.

Il me lâche, magnanimement, que je n'ai pas à m'inquiéter. C'est un film que je n'ai jamais vu et que je rêve de voir depuis longtemps. Ce qui en soit ne me guide pas d'avantage; il y a tellement de films que je veux voir.
Assis dans la grande salle, j'observe le public très particulier de la Cinémathèque. La moyenne d'âge est relativement élevée, rajeunie pourtant par quelques garçons pas comme les autres ©. Je me dis qu'il doit s'agir d'un film ancien sans savoir trop pourquoi je me fais cette réflexion. Il reste intraitable et ne veut rien me dire de plus que tu verras. C'est un film qui a été réalisé avant ma naissance me dit-il en continuant à s'amuser de son petit jeu. Le spectre des possibilités est encore trop large. Le goutte à goutte de ses indices n'est pas là pour calmer mon impatience et ma grande curiosité qui va être mise à rude épreuve jusqu'à la révélation finale.
La salle s'est plongée dans le noir. Les brouhahas de bavardages se sont apaisés. Le grand écran s'est allumé sur un fond grisâtre, sans images. Une musique s'est élevée. Le film commençait. Pendant cinq bonnes minutes, j'ai fixé l'écran vide, ne voyant que la musique pompeuse et orientalisante Mais qu'était-ce donc que ce film là. Le Sage me souffle qu'il s'agit de la musique d'ouverture du film, comme pour un opéra. Je sens déjà poindre une grande fresque romanesque. Soudain, un thème musical me fait comme un déclic. Je pense que je viens de deviner le titre du film qui va se jouer devant nous.
Et puis, semblant surgir d'une antique fresque, elle surgit devant mes yeux sur l'immense toile de l'écran : Elisabeth Taylor is Cleopatra, a film by Joseph L. Mankiewicz.


Je voyais enfin le film qui m'a fait le plus rêvé quand j'étais jeune gamin, quand je m'extasiais devant les beautés de l'Egypte pharaonique. J'ai vu des images, des extraits du film mais jamais l'oeuvre complète. Et là, j'y étais. J'allais enfin suivre le destin tourmenté de la dernière Reine d'Egypte.
Cette longue attente aura été bénéfique. Quel bonheur ! Quel pied ai-je pris devant ce grand film spectaculaire ! Grandiose, à deux doigts du grandiloquent hollywoodien quand ils évoquaient l'Antiquité. Tout y est beau, monumental, colossal et propre (même les gens du peuple sont beaux).
La magnificence de l'entrée de Cléopâtre à Rome. La force de la bataille d'Actium. Le gargantuesque festin dans le gigantesque navire de Cléopâtre. La grande déclaration d'amour tellement osée pour cette époque. Le minois plein de jeunesse bravache de Lyz Taylor. Son clin d'oeil mutin qui fait fondre le plus dur des hommes.

Cléopâtre - Joseph L. Mankiewicz

1 commentaire:

Jonathan D. a dit…

C'est joliment écrit, et j'ai souris en lisant ce billet, tu as eu droit à une belle surprise !