9.7.07

Des vertus de la fête

Elles sont comme ça les Dames du Manoir. Quand elles décident de faire quelque chose, elles se démènent comme deux belles diablesses pour que ce soit une réussite garantie.
Alors imaginez ce qu'elles ont bien pu faire pour fêter dignement les deux fois vingt ans de Dame A. C'est bien simple, lorsque que nous sommes arrivés le vendredi soir nous avons bien eu de la peine à reconnaître la petite maison. Un énorme barnum bleu était accolé à l'arrière de la maison, englobant sous les voiles bleus et blancs, lavande, romarin et chèvrefeuilles qui parfumaient agréablement ce nouvel espace éphémère. Une dizaine de tables rondes recouvertes de draps blancs, des piles de chaises posées ça et là, des guirlandes lumineuses qui courraient sur les murs de pierres et dans les parterres, une boule à facettes accrochée au centre, annonçaient la couleur : la fête allait être grandiose malgré les réserves d'usage de Dame L.
La surprise fut encore plus époustouflante dans le séjour. Oubliée la charmante pièce campagnarde aux murs de pierres apparentes et au sol recouvert de tomettes, elle s'était transformée en dance-floor ultra tendance, tendu de noir et moquetté de rouge, éclairé avec parcimonie par des spot light jugés toujours trop criards pour obtenir l'ambiance intime recherchée par les Dames. L'affaire sera sérieuse. La fête sera parfaite avec une telle organisation.
Et la fête fut parfaite.
Un grand bar, le plus beau bar jamais vu, où le Sage Barman, devenu, le temps d'une soirée, un Tom Cruise bien plus beau, distillait à grands coups de shaker, les douces vapeurs d'une ivresse festive. Des mélanges aux proportions savamment calculées coloraient la transparence des verres remplis de potions magiques qui allaient préparer les invités à une longue nuit de fête. Le grand jardin transformé en Garden party et baigné d'une douce lumière de crépuscule où chacun, un verre à la main, déambulait de table en table, s'extasiant devant les assiettes débordantes de couleurs appétissantes. Des connivences. Des groupes qui se forment, se saluent, se souviennent. Des conversations qui s'élèvent. Des rires qui éclatent. Des questions saugrenues et déstabilisantes qui fusent. Des timidités qui se résorbent. Des papillons improvisés, gracieux et colorés, qui s'exposent devant mon objectif curieux. Une voix plus particulière, derrière moi, qui me fait bondir : ils sont enfin arrivés. La fête peut commencer. Une douce et chaude envie de danser commence à me titiller les jambes.
Des verres qui s'entrechoquent à la santé de la reine de la soirée. Le champagne coule à flot. La musique commence à imposer son rythme. La nuit est maintenant tombée. Un rideau sombre et silencieux se referme sur la maison, à peine éclairée par les petites bougies et les cubes multicolores. Le bar se vide mais les verres ne désemplissent pas. La robe rouge sombre du vin fait tomber les dernières oripeaux de ma retenue naturelle. A chaque gorgée, un nouvel Alexandre s’extirpe d’un corps bourré de complexes. Mes gestes deviennent plus souples ; mes propos de moins en moins cohérents. Les boutons de ma chemise s’ouvrent au fur et à mesure que la chaleur de mon corps augmente. La moindre chose me fait partir dans des fous rires qui ne s’arrêtent plus, comme ce fameux : « Bonjour, je suis Malika. Bonjour, je suis bourré ».
Des feuilles qui transitent sous le manteau. Une minute d’attention demandée. Un gâteau d’anniversaire original qui s’avance sous les paroles de Besame Mucho en guise de chanson d’anniversaire, reprise en choeur par toute l’assemblée. Un vague frisson qui me parcoure le corps quand je m’imagine à la place de Dame A. C’est chouette les anniversaires tout de même.
Il est une heure du dimanche. La musique change de ton soudainement. Le tournoiement des lumières électrise la piste de danse maintenant entièrement dédiée aux délires de la musique. Disco, électro, retro et slows. Je suis un des premiers sur la piste ; mes jambes n’en pouvaient plus de se retenir. Petit à petit, la petite pièce se remplit. Elvire nous a rejoint, on est prêt à danser jusqu’au bout de la nuit. Se lâcher complètement ; se laisser transporter par n’importe quelle musique. J’aime cette sensation de n’être plus moi. Plus de frein, plus aucune retenue, je me lance dans des numéros que je n’imaginais même pas. Avec ou sans perruque. Mais surtout avec, je me sens devenir un Travolta de pacotille mais un Travolta quand même. Je m’époumone à chanter faux mais je m’en fiche bien parce que ça n’a aucune importance. J’ai chaud, un ou deux boutons de ma chemise se sont encore ouvert. Je suis bien.
La nuit passe trop vite. Le soleil commence déjà à poindre. Le Sage E. n’en peut plus et n’arrive plus à me suivre. Il veut aller se coucher. Pas moi. Je veux encore et encore danser, habiter encore plus longtemps cet espace de liberté. Mais il est déjà sept heures. Un soleil franc a remplacé les étoiles de la nuit. Une balade improvisée dans le jardin recouvert de rosée, tandis qu’on me déclame un surréaliste « mignonne, allons voir si la rose… », rythmé par les cloches de l’église du village. Les visages sont tirés de fatigue. Dj Lolotte continue pourtant à se déhancher devant ses platines. Devant la cheminée, un groupe d’irréductibles exsangues sirotent en se trémoussant le premier café de la journée. Les oiseaux ont repris le contrôle du temps. La nuit blanche tire à sa fin. Le temps est venu de se retirer, de reposer nos corps fatigués. Les notes de Sati sur le piano seront le final enchanteur de cette soirée.
En tentant de rejoindre le plus droitement possible la chambre où le Sage E. doit dormir les poings fermés, un air me trotte dans la tête; notre hymne national. Celui qui est de toutes nos soirées. Cet air là sera le dernier que j'ai entendu ce dimanche matin avant de sombrer dans le repos réparateur de ces quelques heures de sommeil.


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Travolta est un petit joueur : il n'a pas à prendre le metro avec valise ou à s'occuper de 3 monstres après qques heures de sommeil

Eric a dit…

Sans doute ! Sans doute !
En même temps, j'ai dit "Travolta de pacotille" ;-)