10.7.07

Une histoire qui roule

Le métro parisien peut parfois être un vrai parcours du combattant pour l'usager. En effet, les dizaines de kilomètres de couloirs souvent bondés, les centaines de marches d'escaliers, les tapis roulants qui ne roulent pas, les escalators qui n'escaladent rien, les rames surpeuplées, sont autant d'éléments qui empêchent de tourner en rond toutes bonnes valises roulantes qui se respectent.
Prenez par exemple la ligne 4, celle qui dessert trois des plus grosses gares parisiennes. Elle est un véritable calvaire pour celui qui, comme moi, la prend pour aller rejoindre la gare Montparnasse avec une énorme valise à roulettes. Il y a quelques semaines, un vendredi matin, alors que nous devions prendre le train aussitôt la journée de travail achevée, je me suis aventuré sur cette ligne, accompagné de mon sac de voyage.
Le périple commence par le passage des tourniquets qui donnent accès aux stations. Le moyen le moins pratique qui soit pour celui qui trimballe une valise. On est alors obligé de soulever ce mastodonte de nylon, toujours bien trop lourd, par dessus le tourniquet; glisser le ticket dans la fente prévue à cet effet et passer en poussant cette petite porte en ferraille, le tout en étant le plus synchronisé possible afin d'éviter de se retrouver bloquer contre la porte ou encore en évitant de coincer la lanière du sac dans un des bras de ce tripode tournicotant et bien sûr (et surtout) pour éviter de bloquer un autre usager pressé de passer les limites autorisées.
Admettons que vous réussissiez sans trop de problème ce passage, vous n'êtes pas pour autant au bout de vos peines. Il y a toujours un escalier qui vous emmène plus bas que terre. Et une valise à roulettes, ça roule... très mal dans les escaliers. Et hop, on soulève ce poids lourd et mort pour descendre. Il y a un avantage qui de muscler mon biceps un peu flamby en ce moment. Mais ça a aussi l'effet de me faire transpirer et souffler comme un boeuf. Ca peut encore aller quand il n'y a qu'un seul escalier mais bien souvent il n'y en a pas qu'un seul. Et là, c'est le trempage de chemise assuré. Je déteste ça, mouiller ma chemise; ça me rend de mauvaise humeur.
Vous arrivez enfin sur le quai et là, horreur ! La rame qui vient juste d'arriver est bondée. Gloups ! Il va falloir compresser encore un peu plus ces sardines. Pourvu que je parvienne à me caser dans le petit coin au fond pour que je n'embête personne... Mais, forcement, on n'y arrive que rarement. Ca serait tellement moins drôle. Et vas y que je colle ma valise sur la belle robe noire de ma voisine. Et vas y qu'une roue plus très ronde accroche le bas d'une autre et lui file un coup fatal. Ne riez pas, ça m'est vraiment arrivé. Vous priez le ciel et tous les Hermès ou Mercure de passage pour que cette personne ne se rende compte de rien avant que vous ayez disparu de sa bulle d'air. Et puis bien sûr, vous essuyez les paroles aigries des autres voyageurs. Combien de fois, me suis-je pris dans la tronche les "il fait chier avec sa valise" ou les "ils peuvent pas prendre un taxi comme tout le monde". En règle général, je me tasse plus bas que ma valise, me faisant oublier du mieux que je peux. Mais il suffit que ma chemise soit trop mouillée et donc que je sois de très méchante humeur, je peux aussi répondre, peu fort aimablement. La dernière fois, alors qu’un usager se plaignait un peu trop lourdement de la place que prenait ma valise dans la voiture, je lui ai fait clairement savoir que je me trouvais dans la rame avant lui; que j'étais un usager des transports en commun au même titre que lui et que s'il n'était pas content qu'il pouvait aller voir ailleurs si je ne m'y trouvais pas. Je sais, c'est mesquin mais ça fait du bien. Un bien relatif puisque l'altercation a surtout réussi à me stresser encore plus et à augmenter le taux d'humidité de ma chemise.
Enfin Montparnasse. Tout le monde descend. Hélas, tout le monde descend. C’est un véritable bouchon de valises cette station. Toujours du monde. Toujours des tonnes de valises dans tous les sens. Les touristes qui s’arrêtent au beau milieu du quai pour consulter leur plan de métro ; qui cherchent le chemin ; ceux qui discutent une minute pour savoir ce qu’ils vont faire ; les gosses qui sont toujours là où ils ne faut pas ; les usagers qui vont travailler et qui n’en peuvent plus de devoir gravir des montagnes de bagages pour avancer. Et puis il y a moi, qui essaie tant bien que mal à slalomer entre tous ceux là, en évitant de marcher sur les uns, de rouler sur les autres. Dans ces moment là, une seule phrase : « pardon ! Excusez moi » et je fonce. Ca n’arrange pas l’état de l’éponge qui m’habille mais au moins ça permet de quitter cette cacophonie fourmilière le plus vite possible. De nouveau, deux kilomètres de couloirs étroits et encombrés. De nouveau, une dizaine d’escaliers pour monter, descendre, descendre, monter et encore si affinité. Quand enfin, parvient à mon oreille la voix féminine devenue si sexy et rassurante, annonçant les voies de départ, je suis lessivé, stressé comme jamais, une véritable serpillière sur pattes. Mais je suis fier ! J’ai vaincu. J’ai réussi à survivre au métro mangeur d’hommes à valises à roulettes. Il n’y a plus qu’à s’installer dans le train ; reprendre mon souffle ; attendre que la climatisation fasse ce qu’on attend d’elle et le week-end peut commencer.
Ca, c’est le meilleur des cas. Parce qu’il peut y avoir une fin alternative. Celle qui me fait arriver à la gare à 9h30 le matin de notre départ, à la recherche de la consigne de bagages (pour ne pas se trimballer cette affreuse boite à roulettes). Vous la trouvez enfin, ce qui n’est pas une mince affaire, je vous le garantie. Vous devez passer un cordon de sécurité encore plus impressionnant que pour entrer à l’ambassade des Etats-Unis, sans oublier de passer au détecteur le sac à dos qui est (comme son nom l’indique) sur votre dos mais que vous aviez oublié, tout obnubilé par le clebs à roulettes qui vous a pourri la vie. Vous tombez sur le cul quand vous découvrez le prix (outrageusement exorbitant) que vous allez devoir payer pour entreposer votre valise pour seulement dix heures. Vous vous arrachez les cheveux pour comprendre comment marchent ces boites en fer (tourner la molette à droite, mettre l’argent, tourner la molette à gauche…). Je vous assure, que vous avez beau essayer de garder tout votre calme et rester dans la positive attitude qui me caractérise (hum !), ben, tout ça cumulé, vous avez vraiment envie de pousser des hurlements hystériques. Surtout quand vous savez qu'il vous reste encore une demie heure de métro (sans la valise du coup) pour aller travailler. Vous êtes trempé comme une souche de marais ; vos bras qui n’en peuvent plus de s’être arrondis pour pas un rond ; vos jambes qui refusent de répondre correctement à vos ordres (vous savez, le genou qui se dérobe sous vous parfois) ; le visage aussi luisant que le ver dans un soir d’été. Le stress qui décide de vous abandonner soudainement et qui vous laisse dans un état proche de l’Ohio (deuxième route à droite après la sortie 25). Bref, ce n’est pas forcément une bonne journée qui commence ainsi. Mais, que ne ferais-je pas pour partir en week-end ?

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