11.12.07

Brève de métro # 6

La sollicitation dans le métro. Le métro ne serait pas le métro sans la manche. Imaginons notre vie de voyageur sans Michel, 54 ans, 3 enfants, malade et S.D.F. nous quémandant, avec une paire de Nike flambant neuve aux pieds, une petite pièce, une cigarette ou un ticket restaurant.
A force des les voir, à force de les entendre, on oublie de les regarder et de les écouter. Leur voix geignarde et suppliante, répétant mot pour mot, chaque jour leur éternelle rengaine, se masque d'un coup de pouce sur la touche volume de mon ipod. Ces mendiants professionnels sont devenus élément comme un autre de notre paysage urbain quotidien.
Pourtant, mercredi passé, alors que je rentrais dans ma maison après une journée bien fatiguante, une voix nouvelle a réussi à me tirer de ma léthargie post travail. Alors que Vénus me susurrait dans les oreilles beautiful days (ce qu'il ne faut pas faire pour se cacher la réalité), une petite femme est entrée dans la rame. Elle devait avoir une cinquantaine d'année, habillée de bric et de broc : une veste rose fushia, un pantalon de survêtement gris souris, des bottes en caoutchouc noires, des gants en laine multicolore et un bonnet avec une fleur en laine sur le côté vissé sur ces cheveux blonds. En entrant, elle a lancé un tonitruant "Joyeux Noël à tous" avec une voix stridente, une voix de petite fille de 10 ou 12 ans, une voix qui ne collait pas à la petite femme rabougrie qui venait de le dire. Le contraste a fait sourire bon nombre de passagers, moi le premier.
Elle a commencé à faire la manche en se collant sous le nez de chaque passager en demandant, toujours avec sa voix de gamine : vous zauriez pas une ptite pièce pour Noël? Une ptite pièce pour moi, pour mon Noël? Arrivée à un vieux monsieur, alors qu'elle venait de lancer sa phrase, le vieil homme lui a répondu en se moquant assez ouvertement d'elle, comme s'il parlait à une petite fille : Mais ma petite dame, vous croyez encore au Père Noël? Il n'existe pas vous savez !
J'ai bien vu dans le regard de la dame que la réflexion du monsieur l'interloquait. On pouvait suivre le cheminement de l'idée dans sa tête avec ses yeux qui bougeaient dans tous les sens. Elle a ouvert la bouche comme pour répondre au monsieur puis a soupiré comme par dépit et elle a changé de personne, comme si de rien n'était en lui demandant : vous zauriez pas une ptite pièce pour Noël? Une ptite pièce pour moi, pour mon Noël?

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