9.4.08

Bienvenue au Cinéma

Mes parents n'ont pas mis les pieds dans une salle de cinéma depuis 34 ans ! Vous le croyez ça ! Comme le dit chastement ma mère, c'était quand ton père et moi on se "fréquentait". Juste avant le mariage.
La dernière fois (et unique fois, pour ma mère) qu'ils sont allés au cinéma, c'était en 1972. Ils avaient vu un Sergio Leone, au cinéma théâtre de Mamers.
Après? Après, ils se sont mariés; ils ont eu la télévision et puis des enfants. Le cinéma était un luxe qu'ils ne pouvaient plus se permettre. La télévision leur suffisait. Le temps leur manquait avec les trois marmots qui sont arrivés à la queue le leu (ou presque). Et puis depuis que nous sommes devenus grands et que chacun a fait sa vie, le cinéma n'était plus une habitude.
Dimanche matin, alors qu'ils étaient de passage chez nous, à Paris, le Sage E. et moi avons décidé de les emmener au cinéma. Le choix du film a été facile et presque naturel. Car quoi d'autre que Bienvenue chez les Ch'tis pouvait convenir. Le film est suffisamment fédérateur pour avoir engranger 17.4 millions d'entrées. Même mes parents attendaient la sortie du film en DVD avec impatience pour le voir enfin. Le Sage E. ne l'avait pas encore vu; moi si déjà. Mais, pas grave, le principal était de leur faire plaisir.
Qu'à cela ne tienne, on y est allé dans une vraie salle de cinéma. On ne leur a pas dit où nous les emmenions. On aurait eu le droit aux fausses excuses habituelles qui ne masquent plus leur timidité et leur peur pour tout ce qui les sort de leur quotidien. Ils ne se bousculent pas tout seul. Soit, nous allons les bousculer nous même, pour leur bien. C'est peut-être prétentieux de ma part pour affirmer savoir ce qui est bien pour eux mais, je les connais bien mes parents. Ils ne font rien par eux même. Alors, pour qu'ils se fassent une opinion, il faut les ouvrir à d'autres horizons que leur satané canapé cuir-télévision.
C'était assez drôle d'ailleurs. Quand nous sommes arrivés devant le cinéma et que nous leur avons enfin dit ce que nous allions faire, j'ai vu les yeux de mon père s'illuminaient. Il était content. J'ai aussi vu les yeux de ma mère qui avait peur. J'ai eu le droit aux "faut pas faire ça pour nous" ou "vous êtes fous, on n'a pas besoin de ça" ou bien encore "tu te rends compte, ça coûte cher". C'est ma mère ! Mais au final, elle s'est laissée porter par le mouvement. Elle n'avait pas le choix de toute façon. Néanmoins, elle a prodigué ses instructions habituelles à mon père : "tu te tiens bien, hein, on n'est pas tout seul", "tu rigoles pas trop fort". C'est ma mère !
Ils se sont installés entre le Sage E et moi. Ils étaient droits comme des pics dans leur fauteuil, les mains posées sagement sur leurs genoux. Ils étaient intimidés. Ma mère a touché le fauteuil devant elle, en faisant remarquer qu'il était beau le velours rouge mais que ça ne devait pas être facile à entretenir. Mon père m'a dit que les sièges étaient confortables et qu'on devait bien s'endormir quand on était fatigué. C'est là, qu'ils m'ont raconté leurs souvenirs de 1972. Ils avaient oublié le titre du film mais ils se souvenaient qu'il y avait Charles Bronson. Quand la séance a commencé, par les traditionnelles bandes annonces, mon père m'a dit qu'on avait dû se tromper de film. Je lui ai expliqué comment ça se passait. La lumière de la salle s'est éteinte. Ma mère a encore une fois dit à mon père de ne pas rire trop fort. Je lui ai dit de se lâcher si il en avait envie. Le film a commencé. Je me suis souvent retourné vers eux pendant la projection. Je voyais leurs profils et leurs yeux juste éclairés par la lumière de l'écran. J'ai été ému. Mon père a ri, beaucoup mais pas trop fort (s'est-il tenu aux recommandations de sa femme?). Ma mère aussi mais plus réservée. Par contre, elle a chanté les Corons de Pierre Bachelet, en même temps que les acteurs, dans la scène du stade de foot. C'est plus fort qu'elle ça, dès qu'elle connaît une chanson, elle chante. On est un peu tous pareil d'ailleurs dans la famille. Ça m'a fait sourire.
En sortant de la salle, mon père semblait heureux comme un gamin. Ma mère ne disait rien. Je lui ai demandé si ça lui avait plu. Elle m'a répondu que oui mais qu'il ne fallait pas. Cause à effet? Aucun ! Mais c'est ma mère... Elle est comme ça. Il n'empêche, une fois tous installés au restaurant et en attendant que le beau Sylvain apporte nos plats, en les faisant parler, on a bien vu qu'ils avaient aimé le film. Avaient-ils aimé suffisamment l'expérience pour le retenter seuls? Je crains que non. Il faudra des piqûres de rappel régulières. On n'installe pas une habitude comme ça d'un claquement de doigts.
C'est bête, mais pour moi, aller au cinéma est devenu une telle banalité. J'ai oublié le plaisir premier parce que devenu trop habituel. Le fait de voir mes parents aller au cinéma avec tout ce que cela signifie pour eux m'a rempli de joie. Le plaisir de leur faire découvrir; le plaisir de voir leurs réactions. C'est un sentiment très fort de pouvoir le faire avec mes parents.
La prochaine fois, on tente le théâtre.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

et ils connaissent le micro-ondes ? l'informatique ? la souris (ou le mulot !! lol) le Compact Disc ? lol Comme quoi y'a pas que dans la Creuse que l'on vit comme retranché...

Anonyme a dit…

J'ai réussi à faire sortir mes parents au cinéma l'an dernier, pour je ne sais quel film, ça faisait aussi une bonne dizaine d'années !

Et depuis, l'expérience a été concluante, je crois qu'ils y retournent au moins une fois tous les deux ans... et mon père télécharge à fond toutes les sorties ! Comme quoi, ça n'a pas que du bon ;)

Cereal-Killer a dit…

hooooo c'est mimi!!!!suis tout ému maintenant (ba oui quoi, jsuis un sentimental et alors!!!). Mais perso, je pense qu ils faut les en faire profiter un maximum!!! Apres tout, il n'y a rien de particulierement attreillant a rester enfermé a la maison devant la TV.