15.5.08

Le roi de la petite reine

Je venais d'avoir 18 ans et je rangeais rageusement mon vélo dans le garage de mes parents. Quelques semaines après, je le vendais, sans aucun remord. C'était après une énième chute. La plus coquasse. La plus humiliante aussi. Je n'avais même pas encore quitté la maison.
Depuis, je n'ai plus jamais mis les pieds sur une pédale, même d'intérieur. Question d'équilibre, répétais-je à chaque fois que l'ombre d'un soupçon d'une balade à vélo s'annonçait. Ça faisait rire : Alexandre ne sait pas faire de vélo. Ça me faisait rire aussi, seulement c'était de la même couleur que le maillot du Tour de France que je déteste regarder. Ce n'est pas que je ne sache pas faire du vélo, c'est que je ne suis pas en assurance quand je fais du vélo. Voilà, c'est ça ! Je ne suis pas en assurance. En me rappelant le nombre de chute que j'ai eu sur ces engins à deux roues, le nombre de beau soleil que j'ai fait, le nombre de fossés que j'ai visité, le nombre de bleus et de genoux écorchés, je ne pouvais que refuser catégoriquement de remonter sur cet mécanique de torture.
Et en bon Sarthois buté que je suis, j'ai réussi à tenir tête de la façon la plus droite et digne possible (et parfois avec de grosses couches de mauvaise foi), pendant plus de 15 ans. La tête dans le guidon. Pourtant, le Sage E essaie de me remettre en selle depuis 8 ans. Il est tenace presque autant que moi. Le siège de ma forteresse carapacée est devenu plus soutenu avec l'arrivée des Vélib à Paris. Il ne m'a plus lâché depuis.
Lorsque le week-end sur l'île de Ré s'est organisé, il était entendu que, là bas, chacun se déplacerait en vélo. Les moqueries gentilles (mais vexantes pour ma fierté) de Mamounette et de Sissou ont réveillé un esprit de défi. J'allais leur prouver que je n'étais pas un faible ou un lâche. Je ferais du vélo avec eux pour leur prouver que je n'étais pas bon dessus, pour qu'on ne m'embête plus avec cette histoire. La décision prise, je ne me voyais plus reculer et j'ai commencé à angoisser.
Le week-end dernier, je suis remonté sur un vélo. A ma grande surprise, je n'avais pas oublié les bases. Comme quoi, ça ne s'oublie pas, même pour les cancres comme moi. L'équilibre était correct, pas parfait mais suffisant. Il y a bien eu quelques coups de guidon désordonnés mais je n'ai pas vu la fraîcheur d'un talus ou les morsures du bitume. Il y a bien un pont en bois qui a roulé un peu trop près de moi et qui m'a fait une jolie blessure de guerre sur l'avant bras droit, mais rien de comparable avec ce que j'ai vécu dans ma jeunesse.
J'avoue que j'ai pris beaucoup de plaisir à faire ces balades en vélo. 120 kilomètres tout de même, pendant tout le week-end ! Sentir l'air me fouetter le visage. Voir mes avants bras rougir sous les rayons de soleil. Redécouvrir que j'avais plein de muscles dans les jambes et que ça fait super mal au début. Se balader avec la vue et les odeurs des paysages que je traverse. Pouvoir m'arrêter quand je veux et autant que je veux pour prendre des photos. L'impression des jambes de coton que j'ai quand je redescends du vélo après avoir pédalé pendant un bon moment. Le tressautement de ma voix quand je roule sur des pavés (un vrai gamin, je suis parfois).
Bon ! Faut pas pousser non plus, hein ! Ce n'est pas parce que j'ai véloté comme un perdu pendant tout un week-end que je suis devenu un adepte acharné de la petite reine. Autrement dit, vous n'êtes pas prêt de me voir sur un Vélib à Paris ou sur un Bicloo à Nantes ni sur un Vélov à Lyon. Il y a bien trop de voitures à mon goût pour faire du vélo sereinement. Mais pourquoi pas dans les campagnes du Vexin, ou dans le Perche natal (quoi que ça grimpe pas mal par là), ou bien encore sur les chemins de Loire Atlantique.

1 commentaire:

[Nicolas] a dit…

Parfois il faut laisser un peu de temps au temps...