4.7.08

Claire Diterzi - Tableau de Chasse

L'atmosphère était lourde, hier soir. Électrique. D'irréels nuages, virant au noirs, menaçaient de s'ouvrir sur nos têtes et déverser des déluges de pluie. De lourdes rafales de vents balayaient les rues sèches et arrosaient copieusement les yeux des passants, de poussières crasses accumulées pendant une semaine de chaleur. Il faisait chaud mais des frissons parcouraient l'échine à chaque bourrasque.
Hier soir, la salle était sombre accentuant l'impression de place à l'abandon. Les vieilles pierres, la peinture défraîchie, les dorures depuis longtemps disparues. Le théâtre transpirait de mélancolie romantique. Les gradins inconfortables et exigus se remplissaient allègrement. Le spectateur recherchait la meilleure place. Celle qui lui offrirait le plus beau point de vue sur la scène encore plongée dans le noir. Des inconnus, beaucoup. Des visages connus, quelques uns. Tous réunis pour le concert évènement de Claire Diterzi.
Nous avions eu la chance de pouvoir admirer son Tableau de Chasse à Chaillot, il y a quelques mois. Ce spectacle mêlant chant, vidéo et oeuvres d'art correspondait tout à fait à l'univers de la chanteuse intrépide. La scène des Bouffes du Nord allait sans doute apportait sa patte à ce spectacle particulier.
Rien à changer par rapport à Chaillot. Pas de surprises. Sauf peut-être que Claire est de plus en plus présente sur scène. Déchaînée par instant. Elle s'éclate seule ou accompagnée de ses deux choristes, la bassiste au regard transperçant, la jolie violoniste évanescente et le seul homme à tout faire de la bande, le beau Etienne Bonhomme. Elle jubile et entre en transe au bout de deux chansons.
Les dispositifs vidéo sont peut être un peu à l'étroit mais que cela ne tienne, elle fera le spectacle aussi. Comme sur le génial Vieille chanteuse, où elle campe une de ces chanteuses réalistes des années trente, gouailleuse à souhait. Elle joue. De sa voix, de sa personne. De la musique, des mots. Elle est irrévérencieuse. Ses repas de famille sont noyés par une substance marronnasse peu ragoûtante à l'image de son sentiment de se faire chier pendant. Une nouvelle bimbo nommée Carla a rejoint sa clique de pétasses rutilantes. Elle parle de poils aux couilles et sortilèges avec ses soeurs chéries. Malgré une mise en scène bien huilée, Claire Diterzi s'offre une liberté scénique absolue. Rarement à l'endroit où elle devrait être, elle se retrouve souvent dans l'ombre des projecteurs à force de bougeotte aiguë. Mais elle s'en fout. Ce qu'elle veut s'est vous embarquer dans son monde à elle. Un monde où des voix bulgares chanteraient la longue mélopée d'une femme infidèle qui dirait à son mari je me casse. Un monde où la fantasmagorie est emprunte d'une réalité brutale. Un monde de chambre d'enfant où tout s'entasserait pêle-mêle et avec lequel on essaierait de raconter une histoire, avec ce qui tombe sous la main. Un monde d'enfant grandie trop vite qui a besoin de se blottir dans les reposants accords d'une berceuse.
Mais Claire Diterzi, c'est surtout une voix qu'elle module avec une facilité déconcertante. Elle trille, elle susurre, elle grince, elle roucoule. Une voix de femme parfois sensuelle, parfois cassante, parfois enfantine. Une voix de femme forte, une femme de tête ou une voix de femme qui aimerait qu'on la protège. Une femme d'un univers qui n'est que le sien et qu'elle accepte d'ouvrir aux autres mais certainement pas dans sa totalité. Il y a toujours une partie de secret dans ces chansons qui font voyager au delà des mots. L'imagination prend alors le relais de l'ouïe.
Tableau de Chasse - Claire Diterzi - Les Bouffes du Nord - 3 et 4 juillet 2008

Pour se faire une idée de son univers, la très jolie vidéo de son Tableau de Chasse


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