19.11.04

Mayday ! Mayday ! Il y a comme un problème par ici

Entourée de son époux Jason et de ses deux enfants, Médée la Magicienne, après une vie sanglante, passe une vie tranquille et douce. Ce paisible bonheur va pourtant être compromis lorsqu'elle découvre Jason avec une autre femme. Médée, folle de rage et de jalousie, commet alors l'irréparable et tue ses enfants.

C'est dans ce contexte qu'Angelin Preljocaj plante le décors et l'intrigue de sa nouvelle création intimiste pour 5 danseurs du Ballet de l'Opéra de Paris.

A l'aide de seaux et d'un arbre mort, il plante l'action sur une île sauvage et deserte, à une époque archaïque, voir primitive.
Deux enfants dorment sur les hauteurs des branches d'un arbre mort; ils se nourissent comme des animaux, à quatre pattes dans des seaux. la mère elle même, Médée, évoque plus une louve qu'une mère humaine.
Malgré ce côté sauvage, la vie semble douce et paisible. Pour les enfants, la vie semble se résumer ainsi : dormir, jouer, manger. Les parents sont très présents dans l'éducation des rejetons.
Il pourrait s'agir de l'évocation d'une vie idéale ou idyllique. La vision revisitée du bon petit sauvage mainte fois évoquée et rêvée par les Humanistes du 18ème siècle.
Ce serait une grave erreur.
Car nous ne sommes pas en présence d'une quelconque famille. Nous avons sur scène, Médée et sa famille et c'est là toute la différence. Elle a déjà fait preuve dans sa jeunesse d'une passion qu'on pourrait qualifiée de démeusurée et de sanglante.

Lorsque Médée découvre son Jason de mari roucoulant avec une belle blonde, son sang chaud ne fait qu'un tour et elle se jette violemment sur sa rivale. S'ouvre alors un trio dansé époustouflant entre Médée et Creüse (c'est la rivale! Ca ne devait pas être facile à porter tous les jours comme prénom) et le pauvre Jason qui essaie de s'interposer tant bien que mal. Ce n'est plus qu'enchevêtrement de corps. C'est une danse violente et saccadée.
Médée finit par l'emporter par la force mais Jason décide finalement de quitter sa femme pour suivre sa blonde vaincue.

Découvrant la fuite de son époux qui lui doit pourtant beaucoup (rappelons que Médée a fourni l'aide nécessaire à Jason dans sa conquête de la Toison d'Or), Médée sombre dans une rage meurtrière. La jalousie lui fait perdre raison et dans ce moment de folie, elle tue ces deux enfants de sang froid.
Ces meurtres sont évoqués sur scène de façon peu complaisante. Médée, dans de grands gestes menaçants, plonge ses mains dans un seau de peinture rouge, évoquant bien sur le sang, et éclabousse, souille, blesse, meurtrie le corps des deux gosses. Puis dans un état de nonchalance ou de vide physique et/ou mental, lentement, Médée quitte la scène abandonnant les deux corps des enfants qui avaient été le symbôle de l'amour entre elle et Jason.

En 40 minutes, Préljocaj réussit avec brio à créer une ambiance, à raconter cette tranche de vie sanglante.
L'exposition crue de cette violence aggresse le public. Beaucoup ont dû, comme moi, fermer les yeux lors de l'assassinat des enfants.
Cependant, même s'il est toujours agréable de retrouver la gestuelle chorégraphique de Preljocaj, il est étrange de les voir dans les mains de danseurs classiques. Tout leurs gestes leurs attitudes sont pure, précis, presque cliniques. Ce qui enlève parfois un peu de force par rapport aux danseurs habituels du chorégraphe. Peut-être est-ce voulu. On ne le saura jamais car ce Songe de Médée a été créée pour le Ballet de l'Opéra de Paris et ne sera sans doute jamais jouée par la troupe habituelle.


Le Songe de Médée - Angelin Preljocaj - Opéra Garnier

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