16.12.04

La peur du vide

Aujourd'hui, nous avons présenté nos derniers hommages à ma grand-mère.
Un moment que je redoutais au plus haut point. En effet, j'ai beau me dire que nous sommes éphémère sur cette terre, je desteste tout ce qui touche la mort. Je n'aime pas les cimetières; je ne supporte pas les hommages aux morts; les cercueils me font peur.
Mais aujourd'hui, je me suis trouvé confronté à cet évènement : pas le choix; il s'agit de célébrer un membre très proche de ma famille. Je ne pouvais pas ne pas assister à cette cérémonie : pour elle et sa mémoire; pour ma mère durement touchée par cette disparition; pour moi, pour témoigner de toute mon affection pour elle.
Je me suis forcé (vraiment) à participer à la cérémonie, tiraillé entre mon besoin de l'accompagner dans son dernier lieu de repos et ma peur panique du cérémonial qui l'entourerait à ce moment là.
Ce matin, la peur au ventre (vraiment), j'ai pris la route vers Mamers, vers la Sarthe, vers le berceau de ma famille, vers elle.
Ce matin, j'ai eu peur d'aller voir ma mère; d'aller voir mes soeurs; d'aller voir ma famille. Je ne voulais pas voir maman anéantie par la disparition de celle qui lui a donné la vie. J'ai eu peur de la detresse, de la tristesse, du deuil, des larmes. J'ai eu peur de voir les réactions provoquées par la disparition d'un être cher; moi qui n'ai versé que très peu de larmes; moi qui n'arrivais pas à pleurer.
Ce matin, j'ai eu peur de ma réaction si je me trouvais dans la même situation que ma mère... Une transposition de ce qui lui arrivait sur ce qui va arriver un jour.
C'est bête? Je le sais... Mais je ne contrôlais pas; je ne controlais plus... Ca fout une peur panique de ne pas contrôler...
Je suis arrivé à la maison, chez mes parents, et j'ai vu. J'ai vu ma mère désemparée, perdue, les yeux rougis d'avoir trop (ou pas assez) pleuré. Ca m'a fait mal. La seule chose que j'ai pu faire c'est de me jeter dans ses bras; la serrer tres fort; la réconforter et éclater en sanglots secs, ces sanglots qui vous secouent physiquement mais qui ne vous font verser aucune larme. Une première déchirure dans la carapace de mes sentiments... J'ai su que mes larmes couleraient aujourd'hui.
Et mes larmes ont coulé tout au long de cet après midi, à plusieurs reprises.
Ca m'a vidé, libéré. Pas de honte à éprouver de pleurer la disparition de ma mémé; lui exprimer ainsi qu'elle allait me manquait (même si je n'ai sans doute pas été le petit-fils idéal); lui dire adieu et que cet adieu me rendait triste.
Cet après midi, je me suis prouvé que j'étais capable d'exprimer des sentiments normaux et que je n'avais pas à avoir honte de les extérioriser, malgré le déni de toute l'éducation que j'ai reçue à ce sujet que cela impliquait ("pleurer ce n'est pas être un homme"; "tu pleures comme une fille" et j'en passe...).
J'ai pu accompagner ma grand mère jusqu'à son dernier repos. J'ai eu mal de la voir descendre dans ce trou dans la terre. Mais j'ai compris une chose en la voyant ainsi disparaitre "matériellement" si je puis dire : j'ai compris que malgré sa disparition, elle serait toujours présente en moi; qu'elle ferait toujours parti de moi. Tout comme la petite flamme et la rose que j'ai déposé sur son cercueil pour lui témoigner ma présence à ses côtés, elle sera toujours une petite flamme en moi et un bouton de rose à jamais accrochée sur moi.
En pensant à elle, je la reverrais me servir un verre de lait chaud tout frais tiré de ses vaches, dans l'étable qui sentait bon le foin frais et les odeurs de la ferme. Je la reverrais, avec ses blouses à fleurs, nous tartiner de larges tranches de gros pain avec de la confiture ou du chocolat, nous assis autour de la grande table de ferme, attendant patiemment notre tour. Je la reverrais me servir son café toujours trop chaud avec les yeux brillants de joie de me revoir.
Les souvenirs d'elle combleront ainsi son absence éternelle.

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