23.12.04

Le public de Bastille, enflammé par La belle au Bois Dormant

De notre correspondant.
Mercredi soir, à l'Opéra Bastille, une série d'incidents a perturbé la représentation de La Belle Au Bois Dormant.


C'est une incroyable série d'incidents qui a perturbé la représentation de la Belle Au Bois Dormant, mercredi soir.
En effet, aux premières notes du prologue de la célèbre pièce chorégraphique, alors que la salle était plongée dans une obscurité abyssale, quelques retardataires ont semé la zizanie dans l'assistance, provoquant bruissements et murmures perturbateurs.
Des personnes sont rentrées dans la salle, alors que le spectacle était commencé, raconte un témoin. Une personne est même tombée dans les escaliers, témoigne un autre spectateur.
En effet, d'après plusieurs sources autorisées, une personne aurait fait "oh! oh!"; ce cri ayant été suivi par un bruit mat, comme l'aurait fait un corps qui tombe. Nous n'avons pu identifier cette personne ni connaître son état de santé après cette chute spectaculaire. Quoi qu'il en soit, cette chute a provoqué des ricanements moqueurs des spectateurs voisins.
Après un retour au calme relatif, le spéctacle a pu se dérouler sans trop de contretemps, malgrés les fréquents "chut" entendus de çi de là dans la salle.
C'est à un spectacle éblouissant de kitchissime et une chorégraphie poussiéreuse mais jolie que nous avons pu assister. La sublime musique de Tchaikovski sauve pourtant ce spectacle d'un autre temps. Tutus et justes au corps moulants; sourires crispés accrochés aux visages des danseurs; pas chassés, pas croisés, pas chassés croisés, piétinements, pointes, petits sauts de cabris; Saltos, Saltos arrière, triple saltos, roulades avant, roulades arrière... Beaucoup de clinquant dans le décors et les costumes; beaucoup de beauté mais assez peu de sentiments et d'émotions
Nous avons donc assisté à la naissance de la Belle, aux fêtes données pour ses 18 ans. Nous nous sommes endormis avec la Belle mais, nous, sans la piqure de rose. Nous avons vu ce benet de prince Désiré (quel prétentieux celui-là) jouer à colin-maillard, chasser, danser, faire le joli coeur avec des damoiselles peu farouches. Nous avons frissonné à l'unisson avec le la Belle qui s'est trouvée réveillée par les lèvres charnues de Désiré. Une débauche de sentimentalité guimauve.
Le deuxième entracte, bienvenu pour nous secouer de la torpeur dans laquelle nous nous étions installés depuis près de deux heures, a été fatal à ce spectacle.
"On nous a dit qu'il y avait des odeurs suspectes de fumée et qu'il fallait évacuer la salle".
A la fin de l'entracte, alors que nous devions assister au monumental mariage des deux tourtereaux, un buste de femme éclairée par un blafard projecteur, est apparu sur la scène, juste devant le rideau pour annoncer l'évacuation de la salle :
Mesdames, Messieurs, suite a des odeurs suspectes de fumées signalées au 6ème étage de l'Opéra Bastille, nous vous demandons de bien vouloir évacuer la salle par mesure de sécurité, le temps que les équipes compétentes puissent localiser l'origine de ce désagrément. Nous vous demandons de vous diriger calmement et sans précipitation vers les sorties. Je vous remercie de votre attention et nous vous demandons de bien vouloir nous excuser pour la gène occasionnée.
Après quelques murmures de surprise, les spectateurs ont vidé la salle sans débordement ni mouvements de panique, accompagnés par les stridentes intonations des sirènes d'alarme.
Ce qui était inquiétant, raconte une spectatrice, c'est que les buvettes étaient aussi fermées. On ne pouvait pas boire un verre de champagne en attendant la fin de l'alerte.
On nous a laissé sans informations pendant un bon quart d'heure, témoigne une autre personne.
Il est vrai que les informations données par les ouvreurs étaient totalement contradictoires.
Rentrez chez vous, c'est fini pour ce soir, claironnait un ouvreur quelque peu hystérique, alors que dans un même temps, une voix masculine nous informait que l'incendie sans importance avait été localisé au deuxième sous-sol de l'opéra. Les secours ont maitrisé rapidement le sinistre. Cette même voix annonçait que le spéctacle allait reprendre rapidement.
Cependant, dix minutes après cette annonce, Madame Brigitte Lefevre, directrice de la danse à l'Opéra de Paris annoncait désolée :
"Bonsoir, ici Brigitte Lefevre, directrice de la danse à l'Opéra de Paris. Je suis désolée de vous annoncer qu'il nous est malheureusement impossible de reprendre la représentation pour votre sécurité, celle de nos artistes et de nos techniciens. Vous ne verrez donc pas le mariage de la Belle au Bois Dormant. Je n'ose pas, dans ces conditions, vous souhaiter une bonne fin de soirée, mais j'espère qu'elle le sera tout de même".
Cette interruption brutale de ce programme a provoqué des scènes de tristesse incroyable comme cette jeune fille, effondrée, en pleurs, qui avait fait le déplacement de sa province lointaine pour la plus belle pièce chorégraphique, selon elle.
D'autres spectateurs, plus stoïques, se demandaient si ils allaient manger chinois ou japonais. D'autres encore, plus pingres, se demandaient si ils allaient être dédommagés.
D'autres, enfin, se sont dit que cette alerte avait mis fin à leur calvaire.
Cette soirée chaotique n'aura laissé personne indifférent.
A.F

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