19.3.06

Les tribulations d'un Parisien en Nord Pas De Calais # 2

T'es gentil sinon Pas De Calais.
Moi chuis gentil. Très. Mignon. Adorable. Un gentil quoi. J'ai donc eu le droit au Pas De Calais.
Transportés par notre nouvelle amie bleue intense (qui s'est avérée être un vulgaire bleu gris) nous avons donc silloné les routes à la découverte de cette région inconnue pour moi. Accompagnés de Diving With Andy, Florent Richard et bientôt rejoints par Pauline Croze, l'intérieur de cette voiture a été notre plus sure alliée contre le froid extérieur. Qu'est ce qu'il a fait froid ! Mais ce n'était pas bien grave tout ça. L'amitié réchauffe et puis nous avons marché de long en large sur les remparts de Bergues Sur Mer et de Boulogne Sur Mer.
Depuis que je le connais, Rafaele me parle régulièrement du Cap Gris Nez et de son grand frère, le Cap Blanc Nez, sur la Côte d'Opale. En quittant Calais et son immense zone commerciale, nous avons pris cette petite route serpentine qui nous rapprochait de la côte. Ce ciel. Cette Luminosité. Je ne l'oublierai pas de sitôt. Une sorte de brume lumineuse baignait le paysage aux abords de la mer. Surréaliste. J'ai dû être un peu bête en regardant cela : je me suis senti tout chose; ému par la beauté de cet instant là. Un vent fort résonne à mes oreilles et me fait bien sentir que c'est lui le maître ici, sur le sommet de cette falaise. Il me malmène et me charrie. Je ne suis qu'un chétif brin de paille entre les bras de ses rafales. Il me laisse KO dans mes tentatives de lui résister bien modestement car après tout, il est bon aussi de se laisser emporter par ses bras audacieux. Il est toujours le vainqueur. Il me saoule aussi mais pour mon plus grand plaisir. Dans les effluves de ses souffles des odeurs marines et iodées. Ca me tourne la tête. Nous sommes au Cap Blanc Nez, ravagé par les obus de la dernière guerre. Des blockhaus éventrés, d'autres encores ouverts sur le large et les côtes de l'Angleterre juste en face. Une pyramide élancée dans le ciel tourmenté et gris. En contre bas, les mouettes jouent et se laissent emporter dans les bourrasques, tout en criant leur joie d'être des oiseaux. Plus loin encore, le petit frêre, le Cap Griz Nez nous fait de l'oeil, réclame notre visite. Ca ne sera pas ce soir. Nous profiterons de la venue du crépuscule ici. Une déchirure lumineuse troue le ciel. Le soleil va nous faire son grand show. Rien que pour nous deux. Un coucher, un quitter de scène pour nous. Il pare le ciel de ces plus belles couleurs d'orange, de rouges et de jaune et, faussement timide ou réellement cabotin, il disparait lentement derrière les couches moelleuses et déjà sombres des nuages de la nuit, nous laissant, adorateurs insatiables, en manque de chaleur. En cherchant bien, même jusque sur les sables de la plage, il n'y était plus, parti se faire adorer la pilule dans d'autres lattitudes.
Le lendemain matin, il n'a pas daigné se montrer l'Apollon aux rayons irradiants. Par contre, le vent aux souffles réfrigérants était bien présent et fidèle au poste. Il nous a ceuilli dès la sortie de la voiture que nous venions de garer sur la petite place de Wissant. Il a tenu à nous accompagner jusqu'à la fin, le vilain. La ruine dévorée par les ronces et les herbes carnivores se dressait malgré tout imposante, refusant tout net de plier le faîte de sa gloire passée. Elle arborait encore fièrement son blason sur le linteau de sa porte béante laissant pénétrer les courants d'air. Tout un symbole d'abandon et de désuétude. Elle s'obstine, cette demeure du passé, à jeter sur la plage l'ombre de sa tour, excluant l'idée de ne plus régner sur cette parcelle de sable blanc. Un large plage griffée par des trainées de sable sec et fin, ballottés par les vents, n'hésitant pas à nous sauter aux yeux dès le moindre tourbillon d'air. Les vagues rendues folles par les coups d'aiguillon du vents, recrachent, véhémentes, des flots de mousses d'écume jaunie et salie qui s'en vont, piteuses, trouver refuge dans les amas d'algues ou de galets. Ces mêmes vagues toujours aussi furieuses cherchent à prendre d'assaut, à coup de belier en rafales, l'imposante digue en ciment, s'écrasant jaillissantes sous les yeux témoins des mouettes. Aujourd'hui la bataille est perdue mais la mer ne s'avoue pas vaincue. La prochaine tempête sera la victoire semblent nous rire goguenardes les blanches gardiennes des mers.
Il fait toujours aussi froid. Et ce n'est pas au sommet de ces falaises crayeuses que cela va s'arranger. Je n'ose imaginer à quoi je dois ressembler quand je vois les pommettes rouge vif de certain. Je ne sens même plus mon nez et le haut de mes oreilles. Etourdissant. Tout est saturé ici. La lumière : le soleil ayant décidé de pointer le bout des ses rayons, donne à ce payage une blancheur fantomatique baignée d'une lumière halogène écrasant toutes les couleurs présentes. Le son : entre les hurlements du vent qui se déchaîne et les grondements des rouleaux de mer qui s'écrasent sur les côtes déchiquetées de ce Cap Gris Nez. Etourdissant, ce foisonnement de tout. Ahurissement et hébétude devant cette côte sauvage. Encore plus que la veille, l'enivrement iodé nous assomme de bien-être. Trop peut-être.
Pendant ces quelques jours de balades intenses, ses yeux. Un regard qui ne trompe pas. Celui d'un passionné. Passionné par sa région. Passionné par l'histoire. Le regarder me parler de ces vieilles pierres dans les soubassements du château. Observer le plaisir qu'il prend à photographier les moindres détails d'une maison. C'est beau à voir cet enthousiasme dans les rues de Boulognes ou sur les remparts de Bergues ou dans les dunes du Touquet ou sur les longues plages infinies ou sur terrains maritimes des deux caps ou partout ailleurs. Ces yeux là, Rafaele, je les aime.
Géant.
Les trois jours ont filé aussi vite que les souffles de vent qui a accompagné notre voyage. Le retour à Lille s'est déroulé silencieusement. Il ne me restait déjà plus qu'une seule journée à passer là bas. La fatigue de ces journées a fait courber l'échine au meilleur. Les abscons nons dits des soi disant amis ont anéanti sa jolie bonhommie. Triste cette soirée à ne savoir quoi faire et quoi dire. Juste être là, après tout, c'est déjà quelque chose. Je ne les remercierai jamais d'avoir gâché tout ces beaux instants. Il faut le dire : je vous déteste.
Toute bonne chose ayant une fin, il vaut mieux qu'elle le soit dans l'exubérance d'un carnaval. Batucada endiablées; fanfares azimutées; toque noire échevelée; Géants photographiés. C'est ça un carnaval dans le Nord. De la bière, forcément. De la soupe, dans des gobelets. Des nez rouges et des perruques jaunes. Et toujours ses pommettes toutes rouges. Je t'ai vu resourire et même onduler (légèrement) sur les rythmes brésiliens. Tu t'étais aggripé aux poils de la bête comme à ton habitude. Comme ces hauts personnages en carton pate et hauts en couleur, tu affiches toujours un beau sourire, à croire que tout va bien et que la vie est belle. Le carnaval est un événement qui tape à l'oeil, mais il ne me fera pas oublier que je te connais bien.
Merci, mon hôte de m'avoir accordé toute cette semaine. De m'avoir servi de guide sur les routes de ton pays. La semaine est terminée mais les souvenirs sont encore bien dans la tête. On l'a dit : on refera; on reviendra; on rerira. Dans les dunes; sur les plages; sur les caps; on re-joueras les explorateurs dans tous ces endroits qu'on a aimé. Et puis, tu me l'as promis, la prochaine fois, Montreuil Sur Mer.

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