25.5.06

En grande pompe

Marie-Antoinette a 14 ans. Et sur ses frêles épaules, un destin bien trop grand pour elle. A 14 ans, sa mère la promet au Dauphin de France pour sceller l'entente cordiale entre deux états longtemps déchirés. 14 ans. Le déracinement. L'immersion sans transition dans une nouvelle cour à l'étiquette étriquée et grandiloquente. "LA COUR DE VERSAILLES, Madame" comme lui dit avec fierté sa nouvelle dame de compagnie et de bienséances. Marie Antoinette n'est pas préparée à cette rigidité. Elle n'est pas préparée à la froideur que lui reserve la cour. Elle n'est pas préparée au manque d'attachement de son époux tout aussi jeune qu'elle, bien plus intéressé par la chasse et la serrurerie. De sa candeur juvénile, elle doit passer bien vite à un statut qui ne lui convient pas. Elle ne se sent pas à sa place. La cour de Versailles l'affuble de sobriquets peu flatteurs : l'Autrichienne, la frigide puis très vite la Volage, la Catin.
Elle s'y ennuie à cette Cour d'un autre temps où tout est codifié à l'extrême. Pour passer le temps, elle se vautre dans le luxe et la vie facile d'une reine à qui on laisse peu de responsabilités sauf de créer une descendance à la France.
Loin d'une biographie gonflante et ronflante, Sofia Coppola cherche à dresser un portrait d'une jeune fille, encore adolescente qui n'est pas à sa place dans le monde où elle se trouve. Elle s'évertue à montrer avant tout des états d'esprit de la future reine de France à travers des scènes de vie. Il n'y a pas (ou peu) de références historiques, le stricte minimum permettant de comprendre. La Marie Antoinette de Coppola vit dans un vase clos; un écrin luxueux où champagne, sucreries, bijoux; beaux accoutrements et argent coulent à flot. Trop. Avant l'arrivée inoppinée de cette masse laborieuse jusque dans la cour de Versailles, il semble qu'elle n'a pas conscience que ce monde là existe. Tout n'est que joyeusetés et frivolités, amusements et fêtes. Le reste, elle l'ignore superbement parce qu'inconsciente de son existence.
Tout est mise en oeuvre dans ce film pour insinuer ce mal de vivre malgré tout de cette jeune fille. Une jeune fille qui n'est pas si loin de Charlotte de Lost in Translation qui comme elle se retrouve dans un endroit étranger, déracinée. De gros plan sur son héroïne en amoncellements débridés de luxe et de vie rapide; de découpage scénique ultra morcelé en musique pop rock, Sofia Coppola suit à la trace sa Reine pour mieux démontrer ses démons intérieurs et extérieurs.
Kirsten Dunst est parfaite dans ce rôle. Juvénile, évanescente, grave puis soudainement, à la toute fin du film, consciente de sa place et son titre. Epoustouflante.
Jason Schwartzman, qui joue Louis XVI, est aussi remarquable dans ce personnage de roi timide, à la botte de ses ministres, lui aussi, finalement peu préparé à régner.
Second film que je vois de Sofia Coppola et toujours ce même engouement dans sa façon d'écrire et de décrire ses personnages, errant dans un monde qui ne leur appartient pas.
Marie Antoinette - Sofia Coppola

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