17.10.06

Compagnie créole

Assises sur leur chaise, le dos fermement calé contre le mur, elles sirotent leur café paresseusement, dans la salle de pause qu'elles vont laver dans quelques instants. Elles bavardent. De leurs voix tapageuses, elles ensoleillent la pièce grise et enfumée où quelques êtres à peine réveillés s'isolent autistement, le visage fermé, le nez plongé dans le verre de plastique blanc d'un café infame ou dans les nouvelles mal digérées d'un quotidien gratuit. Elles, elles rayonnent. Leur langue, à laquelle je ne peux comprendre que quelques mots, respire les îles, le soleil, les palmiers et les noix de coco. La nonchalance, la joie et le temps de vivre rafraichissante du créole face à nos têtes moroses et sinistrées de petits français individualistes. Elles rient, nous ignorant superbement. Elles rient aux éclats d'une histoire où je ne parviens qu'à saisir les mots "téléphone", "zizi" et "doudou". Elles rient aux larmes. Ce qui parvient à décrocher des sourires d'abord contenus, puis, de plus en plus flagrants parmis les personnes présentes dans la salle. Ils sont comme moi, ils ne comprennent rien à ce qui se raconte là mais la bonne humeur des deux femmes est communiquante. Cela suffit à ce que les rayons de soleil de leur langue éclairent et inondent nos faces grises de ce petit matin ordinaire.

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