2.5.07

La glousseuse

Synonyme : tête à claques.
On la sent arriver avant même de la voir, la glousseuse. On l'entend.La glousseuse a la particularité de rire de tout et de rien. Un mot, un rire. Pas de mot, un rire. Un vent, un rire. Un rire nerveux qui hésite entre le bêlement d'une chèvre qu'on aurait oublié de traire et le cri de la hyène à qui on a marché sur les pattes. Un rire qui respire la profondeur d'âme, surtout le petit renâclement de gorge qui fait la transition entre deux rires, comme un enfant imitant le cri du cochon. Un rire qu'on a envie d'étouffer avec une bonne couche de ouate.
Observons cette jeune fille, une glousseuse, dans le train en partance pour Nantes. Elle cherche sa place. Elle demande à son ami :
- C'est où qu'on s'assoit?
- Ben sur un siège !
Elle fait résonner un puissant et tonitruant rire qui s'entend, à mon avis, jusqu'aux abords de Nantes. Les mouettes elles même ont cru reconnaître une des leurs. Et lorsqu'elle arrive à hauteur de sa place (juste à côté des nôtres) et qu'elle voit deux personnes assises, sans ménagement elle dit :
- C'est notre place.
Et elle rajoute pendant que ces deux personnes s'en vont vers d'autres wagons (les veinards) :
- C'est dingue ça ! Les gens y savent pas lire leur siège ou quoi...
La glousseuse respire la gentillesse. Elle tortille souvent le bout de son doigt dans une mèche de cheveux et penche la tête au fur et mesure qu'elle enroule ces cheveux. Elle a alors le regard vide et la bouche entre ouverte. Il parait qu'elle réfléchit. C'est ce que pense, en tous cas, l'ami de notre amie glousseuse du train.
- Tu penses à quoi?
Elle le regarde bovinement. Et lorsque la question a fini par percuter un neurone. Elle rit (cause à effet?). Ca sera sa seule réponse. Mais au bout d'un moment, elle reprend pied dans la réalité :
- On fait quoi?
- On prend le train !
Oui, je sais ! Il faudrait dire aussi beaucoup sur le copain. L'adage, qui se ressemble s'assemble, n'a jamais été aussi vrai. Mais, elle, ça la fait glousser.
- T'es bête toi alors !
La perspicacité légendaire de la glousseuse...
- Oh ! J'ai une idée !
On sent que le reste du wagon n'en revient pas de cette affirmation et retient son souffle, attendant cette idée avec impatience.
- Si on jouait à la crapette !
Comme dans les mangas des années 80 qui passaient au Club Dorothée, on voit tous les voyageurs s'écrouler par terre devant cette idée faramineuse. Voila ce que s’est, aussi, de se faire de fausses idées.
Le copain répond très favorablement à cette idée (tu penses ! la bonne éclate en perspective) et sort un jeu de cartes de la valise qui se trouve sous ses pieds. Ce qui fait rire la glousseuse. Une partie infernale s'engage ponctuait par le martèlement des mains sur la tablette à chaque fois l'un ou l'autre gagne et par les rire brefs et nerveux de la demoiselle. J'attache solidement le Sage E. à son siège pour éviter qu'il ne se jette sur elle pour l'étrangler et j'augmente un peu plus le volume de mon walkman.
Au bout d'une bonne demie heure, la glousseuse en a marre. Elle s'ennuie. Elle aimerait bien regarder un film. Le copain, très obéissant, sort aussitôt un ordinateur portable et un DVD, avec la même difficulté que le jeu de carte, puisqu'ils se trouvent aussi dans la valise sous ses pieds. Elle glousse encore. Et se trémousse aussi. Elle est contente. Je remarque que quand elle est heureuse, elle fait comme nous faisions quand nous étions petiots mes soeurs et moi, quand la joie et l'excitation étaient à son comble, nous faisions ce que nous appelions "panier à salade" qui consistait à tourner nerveusement nos mains comme le geste qui accompagne le "ton moulin, ton moulin va trop vite". Nous le faisions, nous avions 10 ans. Elle le fait encore, elle en a bien 15 de plus.
Le film semble être passionnant et la passionne visiblement aux vues du nombre impressionnant de "panier à salade" qu'elle tourne. De temps à autre, un gloussement nous rappelle qu'elle est encore présente dans le train (comme si nous pouvions oublier). Elle lâche parfois un "c'est trop génial" ou un "c'est trop fort".
Mais à partir de là, elle passe dans une autre catégorie que le Sage E. a su décrire mieux que personne.

2 commentaires:

E. a dit…

Pour info, le film regardé par les deux était "Mrs Tingle" avec l'excellente Helen Mirren dans probablement son moins bon film...
et de fait, le film a beaucoup fait glousser la glousseuse qui en outre a pris soin de répeter certaines répliques trôp drôle...
et on sait ce que ça donne au niveau volume sonore lorsque qu'on parle avec un casque sur es oreilles....

Anonyme a dit…

La glousseuse a toutefois le mérite remarquable de m'avoir bien fait rire. Merci (à elle, bien sur).