23.7.07

"Pas vieille, juste putain"

Elle s'est autoproclamée bienfaitrice nationale. Madame Aldjéria est la personne qu'il faut pour régler les affaires quelque peu délicates. Un peu mère poule, un peu mère maquerelle, elle est avant tout une femme éprise de liberté et avide de pouvoir. Elle aime régir sa petite cour d'une main de fer dans un gant de velours. Elle cajole, elle minaude, elle manigance. Sous ses faux airs de femme d'affaire propre sur elle, elle n'est plus ni moins qu’un chef de bande qui n'hésite pas à corrompre pour mieux obtenir ce qu'elle convoite. Mais elle est plus qu'une petite malfrat de pacotille, Madame Aldjéria a un rêve : acheter les thermes de Caracalla où elle courrait petite fille, lorsque l'établissement de bains était aux mains des colons et qu'elle n'était que la petite fille d'une chambrière autochtone. Ce lieu est son but ultime, son coup d'éclat, le sommet de son ascension sociale, celui qui fera d'elle une femme reconnue et respectée. Une revanche qu'elle prendrait sur son passé. Ces thermes sont son rêve de gloire, ils seront aussi et surtout la marque flagrante de sa chute.
Elle s'entoure d'une équipe de jeunes et jolies jeunes filles peu scrupuleuses qui l'aident dans ses combines. Sa dernière recrue, la belle Paloma, l'impressionne au plus haut point; peut-être l'image de sa jeunesse passée. Mais Paloma, avec ses déhanchés aguicheurs, fait fondre aussi le coeur du beau Riyad, le fils de la patronne, au grand dam de la mère castratrice qu'elle est souvent avec lui.
Biyouna interprète magistralement Madame Aldjéria. La voix rauque et enfumée, la dégaine de la femme libérée, presque européenne, mais la mentalité et d'un tempérament assurément du Magrheb. Elle dégage une énergie et une force de caractère à toute épreuve. Pourtant quand elle se retrouve seule, dans ce qui avait été son nid doré, elle se lâche dans l'émotion la plus primaire. Des larmes sèches, celles qui viennent du plus profond des tripes, vous savez des larmes qui vous arrachent la gorge parce qu'elles ont été trop longtemps retenues. En une seule scène, Biyouna montre toute la faiblesse, finalement, de son personnage, abandonné de tous.
Le réalisateur montre une image assez surprenante de l'Algérie et d'Alger. Il nous montre un pays où le bakchich est la règle première dans les négociations. Un pays où la femme s'émancipe et ressemble de plus en plus au modèle de la femme moderne européenne. Un pays où la femme domine l'homme dans bien des domaines (cette représentation du fils écrasé par le bon vouloir de la mère). Un pays qui cherche son avenir dans les représentations culturelles étrangères mais qui reste pourtant très attaché à son passé.
Vision réaliste? Vision idéalisée? Peut-être bien les deux. En tout cas, une vraie surprise cinématographique (merci Télérama) avec une bande originale très intéressante.

Délice Paloma - Nadir Moknèche

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