27.11.07

Le grand chambardement.

Ils nous avaient dit qu'il y aurait quelques perturbations à prévoir pour ceux qui arriveraient en début de matinée. Peut-être des problèmes de places, peut-être des problèmes informatiques, peut-être même quelques soucis téléphoniques. Un déménagement ne se passent pas sans quelques petits désagréments. Mais tout devrait être normal pour 10h00 maximum. Ils nous avaient prévenu, on ne pouvait rien leur reprocher.
Vendredi, je commençais tard. Histoire de passer le temps, je suis allé au cinéma voir l'excellent ONCE. Dès la fin du film, je me suis précipité vers la FNAC la plus proche, pour acheter la bande originale de ce film qui m'avait tant accroché. Le sourire béat au lèvres (il s'agit là d'un effet secondaire du film), j'ai pris le chemin de Châtillon. Je serais en avance, c'est certain, mais au moins, je pourrais prendre mes marques dans ce nouvel environnement. Lorsque je suis arrivé sur la ligne 13 (ma nouvelle ligne de mon tiercé gagnant), j'ai été pris de drôles de pressentiments. Je ne la sentais pas bien cette journée là.
Je suis donc arrivé très tôt là bas. Le quartier est tout récent. L'immeuble qui va nous accueillir dorénavant est flambant neuf. Il est pas mal. A l'entrée, je croise un ou deux collègues qui ont l'air déconfit. Les traits tirés, la fatigue accrochée au coins des yeux. La matinée a été éprouvante. Les perturbations escomptées ont été bien pires que les prévisions estimées. Pas d'informatique, pas de téléphonie pendant deux heures, des changements de poste toutes les quatre minutes. Ça crève son chargé tout cela. Ils me disent qu'ils ne sont pas très confiants pour les heures qui viennent. Je veux être optimiste. Je veux croire que le pire est passé et que tout se passera bien pour moi. Je me doute qu'il y aura beaucoup de travail avec tous les problèmes de la matinée mais je veux que ce soit la seule raison de fatigue à la fin de ma journée.
J'entre sur mon nouveau plateau. Le moindre recoin est rempli de cartons entassés, de bureaux à l'état d'Ikéa, de poste informatiques posés à même le sol. Le grand open space bourdonne. Les gens travaillent, ça me rassure. Je récupère mon nouveau casque téléphonique, super beau. Je dis bonjour à mes collègues, tous sont exténués et me souhaite le meilleur courage possible. Ils me font paniquer. Je m'installe à un bureau. L'ordinateur met trente minutes à se lancer. Mouais ça promet. Mon cadre me fait le point sur la matinée : 3 heures au total sans téléphone, les postes informatiques sont d'une lenteur extrême et il n'y a aucun moyen d'avoir une vision sur la réalité du trafic. Glups.
15h30. Je suis enfin installé après trois tentatives sur des postes différents. Celui-ci fonctionne bien. C'est parti mon kiki. Le premier appel est houleux. Le client est en panne depuis 11h15 et comme il n'a pas réussi à nous joindre, il est toujours bloqué quelque part sur une route d'une région qu'il ne connaît pas. Je tente de lui expliquer notre situation, il s'en fout (je le comprends); pour lui, seul compte sa situation. Pendant une heure, j'ai affaire à des clients excédés par les délais d'attente. Je gère au mieux, ils comprennent tant mieux; ils ne comprennent pas, ben ce n'est pas ma priorité.
Il est 16h20. Le poste de la collègue immédiate sonne et sonne beaucoup. Je la sens interloquée. Elle me dit qu'elle a un problème avec son téléphone, elle n'arrive pas à décrocher l'appel qui sonne. Je fais le malin en lui demandant si elle veut une formation. Nous rigolons bien. Je finis mon appel et je m'occupe de son cas. Effectivement, le téléphone ne semble plus répondre. Bizarre. Au fond du plateau, j'entends une voix qui dit qu'il a perdu son appel. Puis une autre et une autre... Mon sang ne fait qu'un tour. Je regarde mon téléphone, black out. Plus rien. Nous n'avons plus de connexions téléphoniques. La nouvelle se répand comme traînée de poudre. Tous les cadres sont sur le pied de guerre; tous les directeurs sont sortis de leur bureau. Ça s'active comme dans une fourmilière qu'un gamin malicieux aurait dérangé à grands coups de pieds. Mine de rien, ce qui pourrait passer pour une bénédiction pour nous autres (après tout, être payé à ne rien faire ce n'est pas si fréquent), est en fait un grand moment de stress. Pour moi en tout cas. Il faut toujours que je me mette à la place des autres. A la place du client qui est en panne et qui n'arrive pas à nous avoir, de celui qu'on a eu mais à qui on ne peut pas envoyer d'aide... Ça me stresse
Une heure. Deux heures. Trois heures. Quatre heures. Quatre heures sans un seul appel, sans un bruit de sonnerie. Quatre heures où nous sommes complètement injoignables. Ce n'est que vers 20h30 que les lignes sont rétablies. Nous retrouvons enfin nos clients mais aucun moyen de les identifier : c'est au tour de l'informatique de jouer des siennes. La consigne est alors simple : nous assistons tout le monde.
A ce moment là nous vivons tous un moment d'angoisse. Nous allons vivre une fin de soirée de pure folie. Pour éviter la surcharge, nous créons un standard téléphonique de fortune. Pendant plus d'une heure, nous décrochons sans discontinuer. Les clients sont remontés comme jamais et comme je les comprends. Ils sont en colère et dans leur colère, ils ne comprennent pas que nous ne sommes pas responsables. Ils se défoulent sur nous. On essaie de gérer au mieux et je crois que nous avons réussi ce challenge. Les gens seront forcément insatisfait de nos services mais de notre côté, avec les moyens que nous avions à notre disposition, nous avons réussi à répondre à tous ceux qui sont parvenus à nous joindre.
A 23h30. Cette longue journée touche à sa fin. Nous sommes lessivés. Nous quittons les bureaux sans un bruit. Je n'ai jamais vu une fin de journée aussi silencieuse. Chacun n'a qu'une seule envie; celle de rentrer chez soi et de dormir. J'ai de la chance, j'ai trois jours de week-end pour me remettre de cette épreuve. Il y a des collègues qui seront de nouveau présent demain et dimanche et je n'ose même pas imaginer ceux qui travailleront lundi. Mais, j'oublie bien vite. Je veux rentrer à la maison et me réfugier dans les bras du Sage et dans les plumes de la couette.

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