8.11.07

Ma vie de chien

Je passe mon temps de promenade, la truffe au raz de l'asphalte, à renifler le passage de mes congénères qui passent leur temps de balade à me voler mon territoire. Chaque nouvelle sortie est l'occasion de marquer chaque arbres, chaque poteaux, chaque poubelles, chaque roues, qui jalonnent mon espace. Je lève la patte donc je suis comme me disait mon père quand j'étais tout chiot. Depuis que j'ai quitté le chenil familial, je m'applique à me faire respecter de tous mes rivaux. On ne m'avait pas dit que ça serait un travail de tous les instants. Je ne prends plus le temps, comme quand j'étais avec tous mes frères et mes soeurs, de m'amuser. De toute façon, s'amuser seul, ça n'est pas très drôle.
Et puis, il faut bien que je sorte mon humain. Il resterait cloué chez lui celui là si je ne lui forçais pas la patte. Trois à quatre fois par jour, je l'habitue à se dégourdir l'arrière train. Parfois, il rechigne mais j'ai mis au point une technique imparable. Il suffit que je lève la jambe pour qu'il sorte fissa avec moi sur ses talons. Il ne doit pas aimer que je marque sur son beau tapis tout neuf.
Il est étrange mon humain. Je me souviens, je lui avais fait les yeux doux à travers les barreaux de ma maison. Il a poussé des cris d'enfants qui beuglent. Il m'a pris dans ses bras et il m'a caressé partout. J'ai bien aimé ce moment là et je grogne de plaisir à chaque fois qu'il recommence. J'étais bien dans ses bras là. Il faisait chaud comme quand j'étais contre le ventre de ma mère. Ça n'a pas duré longtemps. Très vite, il m'a mis un sorte de grande tige molle qui sent la vache synthétique et c'est devenu un rituel : dès que je le fais sortir, il m'entoure le cou de cette tige là. Il doit avoir peur de se perdre; ça doit être un moyen pour que je le guide. Moi, je n'aime pas trop ça. Je ne me sens pas très à l'aise avec. Et puis parfois, mon humain, il me tire dessus. Il est très impatient quelques fois, alors que je préférerais flâner et prendre mon temps. Ça lui ferait du bien à lui aussi. Il est très nerveux parfois.
Au début, on a passé comme un accord. Il m'a dit ce que je ne devais pas faire. Je lui ai dit ce qu'il ne devait pas faire. Ça se passait super bien. Une belle époque; la belle vie. Au début, il acceptait que je le protège même quand il dormait. Je me mettais alors dans son panier et je veillais pendant qu'il ronflait. Puis un jour, il y a un autre humain qui a pris ma place. J'ai protesté en grognant tout ce que je savais. Il aurait pu faire mal à mon humain mais il n'y a rien eu à faire. Il m'a fermé la porte à la truffe et depuis je dors, l'oreille toujours dressée, dans le couloir, toujours prêt à le secourir. Je me méfie de cet autre humain. Depuis qu'il est dans cette place, mon humain grogne étrangement la nuit. Comme si il avait mal. Un jour, je me suis presque jeté sur l'autre. Il était sur le dos de mon humain qui grognait très fort. J'ai bien failli lui attraper la patte arrière. Mais mon humain m'a renvoyé comme un vulgaire chat de gouttière. Qu'il se débrouille avec l'autre. N'empêche que depuis qu'il là celui là, je n'ai plus le droit aux caresses sur le canapé quand du temps où mon humain regardait la fenêtre bleue du salon.
J'aimais bien cette époque là. On partageait des morceaux de sucreries. J'avais ma tête sur ses grandes pattes et il me grattait derrière les oreilles; parfois, on s'endormait et on se réveillait en pleine nuit. Il arrivait même que je le sorte à ce moment là, histoire de bien le réveiller. J'aimais ça moi, me promener avec lui la nuit. Il n'y avait pas de bruit. parfois je grognais quand je sentais un chat. Ça le faisait rire. Quand j'y repense...
Maintenant, j'ai ma pâtée dans la cuisine. Je n'ai plus le droit aux sucreries sur le canapé. je n'ai même plus le droit au canapé. L'autre a pris la place. On ne sort plus jamais la nuit, tous les deux. On ne sort presque plus jamais tous les deux d'ailleurs. L'autre est souvent là. Ils marchent vite et j'ai plus le temps de rien. J'ai remarqué qu'il y a un labrador qui a des visées sur mon territoire. Il faut qu'il fasse gaffe à son museau ce cabot là. Mais, ils ne me laissent plus marquer. Ils grondent à chaque fois. J'ai le droit encore sur les poteaux mais plus rien sur les arbres ni sur les roues. Quand je balade mon humain avec l'autre collé à son arrière train, comme sur une chienne en chaleur, je n'ai plus le droit de prendre certaines de mes allées. Maintenant, ils me font marcher sur des territoires ennemis. Je me suis risqué à marquer, histoire d'agrandir mon territoire mais il y a un gros balaise qui m'a aboyé méchamment dessus. je ne m'y risque plus.
L'autre a une salle influence sur mon humain. Il l'oblige à s'habiller comme lui. C'est d'un ridicule. Mais l'autre jour, c'est vrai qu'il faisait pas bien chaud, mais l'autre m'a mis une sorte de choses a fourrure sur le dos. Un manteau qu'ils ont appelé ça. Ils m'ont obligé à les sortir avec ça dans la rue. Mes grognements n'y ont rien changé. La honte. Je suis grillé à vie dans le quartier. J'ai bien vu le labrador qui ricanait.
Je n'ai plus envie de le sortir. Il m'ennuie mon humain. Je préfère rester sur mon tapis. J'y passe d'ailleurs quasiment toutes mes journées maintenant. Les trois ou quatre sorties sont devenus plus que deux par jour. Maintenant mon humain sort avec l'autre. Je ne l'aime vraiment pas celui là. Maintenant, ma vie c'est ce petit territoire où je me renifle à chaque coin de porte. Je passe de la cuisine et mon écuelle, au salon et mon tapis. Je m'ennuie. Il m'arrive de plus en plus de rêver de mes frères et soeurs; de mon père et de ma mère. Je n'ai pas l'impression qu'ils s'ennuyait eux. Je me rappelle les longues courses en criant tout ce que nous savions dans le grand jardin. Une autre époque. Je crois que j'envie un peu mon père, parfois. Ça doit être bien d'être père. Mais je n'ai pas trouvé la chienne de ma vie. Il y a bien celle de l'humain d'en haut mais elle est trop bêcheuse. Jamais elle ne m'a regardé.
Je déprime. Je le vois bien, j'ai mon poil qui ternit. Il s'en va en grosses touffes qui se collent au tapis. Il fait nuit. La fenêtre bleue du salon n'est pas allumée. Mon humain n'est pas rentré. Hier non plus. Je n'ai plus rien dans ma gamelle. Il me reste un peu d'eau. Je me recouche sur le tapis en soupirant. Je me rappelle une chanson humaine qui parlait de son compagnon. Je guide tes pas, elle disait cette chanson. Je suis bien sûr que cet humain là ne me traiterait pas comme ça. Le mien, il ne m'a jamais écrit une telle chanson.
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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ben alors Snoopy "c'était mieux avant !" To beagle or not begueule...