28.3.08

Il y a longtemps que je t'aime

Juliette est recueillie, à sa sortie de prison, par sa jeune soeur Léa qu'elle n'a pas revu depuis quinze ans.
Le film raconte la difficile réinsertion d'une femme dans une société où elle n'a plus de place et qui la rejette. Une réinsertion encore plus douloureuse l'attend dans une famille, sa famille, qui la rejetée et qu'elle ne reconnaît plus. Sur fond de secret bien gardé mais qui continue à hanter, Juliette réapprend à vivre. Très marquée par ces années de prison, elle garde un regard cynique sur la vie et son petit quotidien. Elle aspire pourtant à reprendre ses marques grâce à l'aide de sa soeur bienveillante.
Kristin Scott Thomas est d'un bout à l'autre de ce film, magnifique. Le visage terne, aux yeux cernés, elle reste pourtant lumineuse. Elle est secrète et solitaire, à tout jamais marquée par son histoire. Mais elle a un tempérament fort. Elle s'accroche, elle se force à redécouvrir une vie normale, malgré tous les coups qu'elle se prend dans la gueule, ces regards extérieurs scrutateurs qui la jugent sans savoir. Il y a longtemps que Kristin ne m'avait autant ému. Elle écrase le reste du casting d'un simple regard. Elsa Zylberstein réussit parfois à se hisser à son niveau mais jamais complètement et jamais parfaitement. Je l'adore cette actrice, flegmatique, gracieuse mais aussi distante et pourtant si commune. Ah ! Vraiment, je l'aime.
La réalisation que l'écrivain Philippe Claudel a voulu ancrer dans le quotidien d'une famille bourgeoise. Les courses, le travail, la piscine, le baby-sitting, tous ces gestes qui sont devenus des moments à réapprendre pour Juliette. Il filme avec une lumière grisonnante, écho des sentiments de son héroïne. Il parvient par petites touches intimes et infimes à éclairer le grand secret de Juliette. On se plaît à imaginer ce que cette femme cherche à taire. Notre imagination de spectateur prend plaisir à reconstituer cette vie. Et puis soudain, il accouche d'une fin ultra consensuelle. Ce film secret et délicat sombre dans le plus navrant des mélos, arasant toute la complexité de son personnage pour vouloir faire pleurer coûte que coûte. Quel intérêt à vouloir faire une fin larmoyante alors que jusqu'à présent l'émotion se suffisait par un simple regard, une petite phrase ou un geste? Pourquoi vouloir une fin si démonstrative alors que jusqu'à présent les non-dits suffisaient à rendre l'histoire si belle et attachante? Pourquoi sabrer et dénature son film par cette fin si attendue et décevante? Il parvient en effet son coup. Le nombre de reniflements et de mouchoirs sortis le prouve bien. Moi, cela a eu l'effet inverse. Autant, j'ai été ému par cette Juliette secrète et touchante, autant je suis resté sur la touche par cette révélation accouchée au forceps.
Il y a longtemps que je t'aime - Philippe Claudel

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Moi aussi la fin m'a paru bien "gentille". Mais je crois que l'essentiel n'est pas tant dans l'explication finale que dans le parcours de réinsertion.

Pour moi, cela reste vraiment un bon film.

Eric a dit…

Je suis d'accord avec toi Joss !
Je préfère oublier ces 10 dernières minutes pour garder la vision d'un bon film.