4.8.08

Michael Tolliver est vivant

Le bandeau rouge, en bas de couverture, le claironnait haut et fort : ce qui m'était proposé avec ce livre était le dernier épisode des Chroniques de San Francisco.
J'en frémissais d'avance à l'idée de suivre, pour de nouvelles aventures, toute la petite bande du 28 Barbary Lane. Je me suis même refait l'intégrale des six premiers volumes, histoire d'avoir tous les éléments et les détails fraîchement inscrits dans ma mémoire.
Quand j'ai ouvert le livre, j'ai eu un choc terrible. " il n'y a pas très longtemps, sur Castro Street, un inconnu vêtu d'une parka Giants m'a lancé un regard éloquent quand on s'est croisés devant la quincaillerie Cliff's Hardware. Il avait à peu près mon âge, je crois, c'est à dire la cinquantaine, mais pas tellement plus..." Comment ça "je" ? Comment ça "mon" ? Depuis quand les Chroniques s'écrivent elles à la première personne du singulier? Depuis quand le narrateur est Michael Tolliver? Comment ça Michael à la cinquantaine? La première page a été, comment dire, brutale. Je venais de terminer le tome 6 qui se passait au début des années 90 - Michael avait alors 35 ans - et j'ai enchaîné directement avec ce nouveau tome et paf, il a pris 20 ans dans la vue sans que je le vois arriver.
La suite de la lecture l'a laissé encore plus perplexe. J'appréciais ce ton léger des Chroniques. Le côté tribu autour d'Anna Madrigal. J'aurais adoré vivre au 28 de Barbary Lane, dans la petite maison sur le toit, prendre mon petit déjeuner dans le petit jardin, près des plantes magiques de la logeuse, en compagnie de Brian (mon préféré) et des autres, Anna, Mona, Michael et même avec cette pimbèche de Mary Ann. Mais ici, il n'y a plus de Barbary Lane. Madrigal l'a vendu. Il n'y a plus de tribu. Michael semble être devenu tribu à lui tout seul. Ce n'est d'ailleurs clairement plus une chronique de cette tribu mais bien une histoire centrée autour de ce personnage, les autres étant des satellites lointain parfois à peine évoquée plus que par une ligne.
Les Chroniques de San Francisco se sont donc belles et bien éteintes avec Bye Bye Barbary Lane, le tome 6. Ce dernier roman de Maupin n'est pas une suite, un spin off, à la limite. Mais un spin off qui dénature l'héritage de la série. Voir pire, qui le pille et l'outrage pour en faire un vulgaire volume d'une littérature pédé sans intérêt. C'est mièvre, souvent. C'est glauque avec ces scènes de coucheries (pour être poli) détaillées dans le moindre détail (et sans aucun soucis de poésie !!). C'est l'intrigue la plus insipide qui soit. C'est plat et sans envergure, plein de lieux communs qui n'apportent rien.
Tolliver est devenu un mou dont la priorité est de savoir s'il emmène son cockring en voyage. Il se demande comment un jeune de 35 ans peut aimer coucher avec lui et l'aimer. Pensez donc, avec une telle différence d'âge ! Ben moi aussi, je me le suis demandé tout au long de ces longues pages. C'est donc ça qu'est devenu ce fringuant jeune homme flingué par la vie? Voila donc ce qu'est devenu ce héros, ce symbole communautaire? Voila donc ce qu'est devenu ce qu'on a appelé le fleuron de la culture gay? Un ramassis vulgaire de frivolités desquelles je ne me sens pas proche. Comment Maupin a t-il pu passer d'une chronique qui avait su toucher un public large et diversifié à ce roman ultra calibré pour une seule et unique catégorie de la population? Avec ce roman, Maupin oublie tous ses élans d'ouverture pour ne livrer qu'un petit livre sectaire.
Je ne saurais pas dire s'il s'agit là de sa vision (pessimiste?) de la communauté gay de San Francisco ou simplement la volonté de faire un livre "in", dans l'air du temps, pouvant rapporter beaucoup de billets verts. Dommage en tout cas. Pourtant, vers la toute fin (on va dire dans les 20 dernières pages), la fibre Barbary Lane vibre à nouveau, autour d'Anna. Mais tout cela est trop succinct, trop tardif pour en tirer une quelconque satisfaction. Le regret d'en finir avec les Chroniques avec ça est une grande déception, malgré mes grosses larmes finales.
Michael Tolliver est vivant - Aristead Maupin - Editions de l'Olivier

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Dommage que tu n'ais pas aimé :(

Pour moi qui avait lu les chroniques il y a très longtemps, ça paraissait moins outrancier ce manque de conformité à l'esprit de l'oeuvre original.