5.9.08

Be happy

Poppy aime la vie. Toujours de bonne humeur, joyeuse et bout en train. Poppy est positivement optimiste. Elle est persuadée que tout peut aller pour le mieux, même dans les pires situations, en gardant le sourire et la joie de vivre. Elle est à l'écoute des autres, de leurs bonheurs comme de leurs malheurs. Elle est institutrice, dévouée à ses têtes blondes. Bref, Poppy est une fille bien. Un peu le genre de fille que l'on pourrait détester parce qu'on serait jaloux de sa bonne humeur permanente. C'est vrai aussi qu'elle est un peu énervante, Poppy, à rire de tout et de rien. Elle ne peut pas faire une phrase sans ricaner, glousser ou pouffer, comme si elle ne prenait rien au sérieux. D'ailleurs, ce n'est pas "on dirait", elle ne prends vraiment rien au sérieux. Elle ne passe vraiment pas inaperçue, surtout qu'elle s'habille de façon très colorée et fait de grands gestes désordonnes avec ces mains ou ses bras.
On regarde le début de ce nouveau film de Mike Leigh, mi amusé, mi agacé. Partagé entre la joie de vivre de cette brave trentenaire et le côté superficielle de sa vie. Elle fait un peut pétasse, genre pouf, se dit-on au début. De quoi est-elle heureuse? Elle a 30 ans; elle est célibataire; vit en colocation depuis dix ans. Pas très glorieux tout cela. Elle serait blonde qu'on ne serait pas étonné. Pourtant, on oublie l'agacement de ses ricanements, trop artificiels. On oublie ses vêtements trop voyants. On ne voit plus que le portrait d'une jeune femme qui refuse de couler dans la morosité. On lui vole son vélo? Zut, se dit-elle, je n'ai pas eu le temps de lui dire au revoir. Elle est fatiguée par ses longues journées à l'école? Ce n'est pas grave, elle dormira le week-end. Tout ce qui pourrait foutre le bourdon au quotidien glisse sur la carapace de Poppy.
Mike Leigh serait-il donc devenu heureux? Aurait-il était enrôlé dans une secte d'épicuriens? Serait-il soudainement atteint d'optimisme aigu? Non ! Ne nous laissons berner par les apparences. On a beau voir cette jeune fille est solide comme le roc, des failles se dessinent quand les événements se corsent. Parce qu'au fur et à mesure que le film avance, une certaine noirceur se distille en taches légères, à peine perceptibles. Le solide optimisme de Poppy vacille parfois. Son rire devient parfois plus forcé, son visage trahit une certaine inquiétude, une certaine peur. Comme si soudainement, elle se rendait compte que le monde ne vit pas à son rythme,; qu'il ne vit pas sur ses codes. Au gré d'événements anodins (deux élèves qui se battent, sa rencontre avec un sans abris, la folie furieuse de son moniteur auto-école...), Poppy se rend compte que la vie n'est pas aussi rose qu'elle se force à le croire. A un moment, on sent la jeune fille prête à se laisser tomber dans la grisaille de la dépression. Et puis, non, on ne tue pas le naturel comme cela. Elle se bat comme une lionne. Elle ne se laissera pas déborder. C'est une battante. C'est une butée. C'est une déterminée.
L'interprétation de Sally Hawkins est époustouflante. Elle apporte à son personnage tout le naturel, toute la sincérité, la naïveté aussi, la force surtout d'une jeune femme de 30 ans.
On pourra reprocher au film de ne parler que de l'anecdotique, du quotidien. Mais c'est un film qui parle de la vie dans sa simplicité, dans sa complexité aussi. Le film est une bulle d'optimisme sans pour autant cacher la difficulté de nos années noires. Il est difficile d'afficher un sourire toujours présent face à un quotidien dépressif. Mais quel bonheur cela doit être de traverser tout cela avec une telle force. Adoptons la Poppy attitude et gardons le sourire quoi qu'il advienne.
Be Happy - Mike Leigh

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