19.2.08

Séances de rattrapage

Benjamin Barker a été condamné arbitrairement par l'infâme juge Turpin qui veut s'approprier la femme du barbier. Barker est envoyé dans un bagne australien. Quinze après, il revient à Londres sous l'identité de Sweeney Todd, obnubilé par un désir de vengeance inextinguible. Il rencontre la tenancière d'une taverne, Mme Lovett qui il va l'aider à tisser sa toile de mort. Qu'on se le dise tout de suite, rien de nouveau sur la planète de Mr Burton. On reconnaît au premier coup d'oeil son univers et son langage cinématographique si particulier. Johnny Depp est toujours de la partie. On peut se dire que c'est gage de qualité et qu'on peut se plonger dans le film presque les yeux fermés, en tout cas sans craintes particulières. Le problème ici, c'est que la recette ne prend jamais. C'est gore sans l'être. Ca saigne à tout va mais comme si de rien n'était. Moi je suis désolé, je trouve ça choquant toute cette violence gratuite; cet amoncellement de cadavre qui n'ont rien à voir avec la vengeance initiale. Je trouve choquant la façon dont il traite le cannibalisme, la façon dont il filme avec complaisance ces gens qui mangent les tourtes garnies de chaire humaine. C'est gratuit, sans aucune profondeur et sans la folie habituelle qui lui est propre. Tout est exagéré à l'extrême, les décors d'une cradeur sans nom; la lumière est grise et sale et finit par être déprimante; le jeu des acteurs (bon sang qu'Helena Bonham Carter est énervante à rouler des yeux comme elle le fait; que les grimaces menaçantes de Depp sont agaçantes et fatigantes à la longue) est ampoulé et amplifié jusqu'à l'écoeurement. Ce n'est plus du jeu, c'est du sur-jeu, presque du mime. Et puis, les chansons (il s'agit d'une comédie musicale) sont mièvres et niaises sur des textes faussement subversifs et une musique ronflante dans le plus mauvais sens du terme; le tout étant répété jusqu'à l'indigestion. Bref, la surenchère des moyens, la surenchère sur tout le film, tourne très rapidement au ridicule. Du grand n'importe quoi.

Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street - Tim Burton



C'est un jour comme les autres à New York. Chacun vit sa petite vie habituelle. Un groupe de jeunes gens fêtent le départ de Rob qui va partir travailler au Japon. La fête bat son plein quand soudain, le sol vibre. Tremblement de terre? Accident? Attaque terroriste? Météorite? Ca sera bien pire. Filmé par un des personnages de la soirée à l'aide d'un caméscope, nous avons un point à chaud, en direct live, sur les événements qui vont bouleverser leur vie. Nous assistons à ce que filme le gars, sans distance narrative ou explicative des événements en cours. Et ça fonctionne à fond. Autant dire que les 20 premières minutes (celles correspondant au film fait pendant la fête de départ) sont plutôt chiantes. Mais à partir du moment où les événements se produisent, c'est sans temps morts. On est plongé au coeur de l'action; on vit la peur, la terreur, la mort, l'angoisse du petit groupe de survivants. Je suis rentré complètement dans le film au point de me retrouver submerger par les mêmes sentiments que les personnages. J'ai eu peur et j'ai été angoissé (demandez aux doigts du Sage E ! Ils s'en souviennent encore). Ce n'est sans doute pas un grand film, loin de là, mais c'est efficace et même diablement efficace. Et c'est déjà très bien. Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est autrement plus réussi dans d'autres films (Alien, 28 semaines plus tard...). Parce que Cloverfield est dans ma limite du supportable dans l'angoisse et dans la peur. Alors que je n'ai jamais pu aller plus loin que la scène de la recherche du petit chat dans Alien parce que j'étais trop mal pour continuer. Sans commentaires désobligeants, en vous remerciant !

Cloverfield - Matt Reeves



Un gars découvre par hasard une valise remplie de billets qui devait servir de monnaie d'échange pour un trafic de drogue qui a mal tourné. En s'emparant de cette valise, il déclenche une chasse à l'homme sanglante et impitoyable. Ce film est à l'image des vastes paysages du Texas que filment les Frères Cohen : rude et aride, sans fioritures, sans sentiments, désabusé. Les personnages sont de solides gaillards, avec des gueules marquées par la violence qui semble être comme une seconde nature dans cette région. Le film est noir, sans espoir de rédemption, aux tonalités angoissantes et à peine coloré par un humour absurde et désenchanté. Dans ces paysages qui aspirent au calme et à la contemplation, les frères Cohen lancent leurs personnages dans une aventure qui les dépasse. Moss est un looser qui croit tenir la chance de sa vie en prenant ces quelques billets. Il sent que c'est du lourd, qu'il n'est pas vraiment sûr d'avoir les épaules suffisamment solides pour supporter les conséquences de son acte mais qui le fait tout de même parce qu'il ne peut pas laisser filer cette opportunité. Dommage pour lui, il va se retrouver aux prises d'un tueur psychopathe, un fou au sourire qui fait peur. Pour l'aider à s'en sortir, un vieux shérif qui a perdu toute illusion; qui observe plus qu'il n'agit parce que pour lui agir est déjà trop tard. Le tout est filmé de façon linéaire et avec une froideur glaçante et angoissante; avec une maîtrise magnifique. L'interprétation des acteurs est aussi un vrai plaisir. Tommy Lee Jones est encore une fois parfait, désabusé, marqué par le temps mais qui s'avère être le plus humain de la bande. Josh Brolin est lui aussi magnifique en looser prêt à tout pour avoir sa part de chance. Et puis, il y a Javier Bardem démoniaque, véritable symbole apocalyptique déshumanisé qui fait de son personnage un des meilleurs psychopathes du cinéma américain.

No country for old men - Joel et Ethan Cohen

Margot et Victor ont tout pour être heureux. Ils s'aiment; ils ont une belle carrière dans le même cabinet d'avocats. Une vie parfaite en somme. Pourtant, ils vont être mis en concurrence directe pour l'obtention d'un poste d'associé. La réalisatrice, Lea Faser, explore les deux possibilités et dissèque les conséquences sur la vie banale de ce couple modèle selon que ce soit elle ou lui qui obtient le poste. Sous les beaux atours les lézardes apparaissent. Sous l'image de l'agneau calme et serein se cache le loup endormi et féroce. Le film se veut une satire sur le monde du travail, ses valeurs, ses ambitions mais aussi sur le pouvoir et ses effets sur celui qui le possède, celui qui le subit, celui qui l'observe. La construction en alternance et jeu de miroir est une réussite. Les évènements s'enchaînent sans temps morts. Tout ce qui marquait l'entente parfaite se teinte de rancoeur et de rancune. Les beaux sourires deviennent trompeurs et sournois. Même si sa vision et sa réflexion sont plutôt bien vues, la réalisatrice n'évite pas les clichés des situations : si il est promu, il couchera avec sa secrétaire; si elle est promue, elle cédera aux avances de son patron. En fait, les personnages principaux, Margot et Victor, sont plutôt ratés à cause justement de ces clichés dont ils sont affublés. Dommage parce que les acteurs se démènent pour leur donner corps (excellent Jocelyn Quivrin). Par contre, les personnages secondaires sont très bien croqués à commencer par celui de Thierry Lhermitte, parfait en big boss manipulateur et cynique au sourire de requin. C'est eux qui apportent l'humour et soulignent l'ironie en tant que faire-valoir comiques et observateurs cruels du couple cobaye. A noter la présence de Julie Ferrier, parfaite inconnue pour moi jusqu'il y a peu de temps, mais qui apparaît dans pas mal de distribution de films actuellement (Didine, Ca se soigne, Paris...). J'aime beaucoup cette femme.


Notre univers impitoyable - Léa Fazer

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