20.3.08

Tout ça ce week-end

Daniel Plainview est prospecteur, d'abord d'or puis de pétrole. En cette fin du 19ème siècle, la nation américaine découvre que les sols des états de l'est et du sud regorgent de ce précieux or noir. Des hommes sentant le profit se lancent dans la recherche des zones lucratives. Plainview est l'un d'eux et en apprenant la présence d'un gisement important dans une zone aride où quelques familles s'acharnent à survivre, il tente sa chance. Il achète à bas prix toutes les terres disponibles et commence les forages. Le succès est au delà de ses attentes.
Le film de Paul Thomas Anderson est envoûtant, d'un bout à l'autre. La mise en scène est d'une force incroyable. Il s'attache à faire revivre le mode de vie de cette époque dans les moindres détails. La dureté de vie, l'ambition démesurée, le cynisme et la folie du personnage principal est rendu magistralement. Daniel Day Lewis habite le personnage avec une rage inquiétante. Sa performance est parfaite. Il incarne cet homme rongé par l'ambition et sa volonté farouche de réussite qui le mènera à la richesse mais aussi à sa déchéance, faite de violence, de paranoïa et de solitude. Roublard et profiteur, il élève par un travail constant et acharné un empire. Il ne fait confiance qu'à lui même et surtout se méfie de tous les parasites qui gravitent autour de lui. Il n'aime pas les hommes, comme il le dit lui même.
Le réalisateur s'appuie sur la force des images. Le travail apporté à la photographie et à la lumière en souligne la brutalité. La musique dissonante et inquiétante, voir même insoutenable au début du film, est d'une puissance inouïe (le concerto pour violon de Brams, utilisé à la toute fin du film, prend une dimension dramatique hypnotisante avec les images qui l'accompagnent). Dire qu'il signe là un chef d'oeuvre revient à énoncer une lapalissade. La critique est unanime. Je le dis moi aussi : ce film est grandiose.
There will be blood - Paul Thomas Anderson
Ce film n'est pas vraiment une nouveauté (il date de 1997). Il est cependant un de mes films préférés. J'ai bien dû le voir trois ou quatre fois mais jamais au cinéma. Ce dimanche, il était programmé au MK2 Quai de Loire. L'occasion rêvée pour aller le voir sur grand écran. C'est un film dans la plus pure tradition sociale du cinéma britannique. L'histoire d'un groupe de mineurs, membre de la fanfare locale, confronté à la fermeture annoncée de leur mine. Chômage, pauvreté, précarité mais aussi solidarité, corporatisme, aucun des grands thèmes du genre ne manquent à l'appel. Sur cet arrière fond social, la volonté farouche du chef de fanfare de mener sa petite troupe en final du championnat annuel. La musique qui sert de trame ici est en quelque sorte la dernière bouée de sauvetage, la dernière porte de dignité et de sociabilité qu'il reste à ses hommes frappés par l'acharnement de l'ère Tatcher. La musique est belle, magnifique même. Elle est le vecteur d'émotion pure, de cette force qui vous fait lâcher des sanglots (le Concerto d'Aranjues est d'une force stupéfiante) sans que vous voyez venir le coup arriver. Pas de super héros, ce sont des hommes ordinaires avec leurs qualités et leurs défauts, interprétés avec saveur par des acteurs sublimes. Ewan Mcgregor (que je découvrais alors) est d'une beauté sauvage et juvénile. Pete Postlehwaite est lui aussi grandiose dans ce chef d'orchestre pour qui seul compte la victoire finale, son dernier coup d'éclats avant de partir, dignement. Ce film est un chef d'oeuvre magnifique, au message universel. Un film rare qui mérite une reconnaissance au moins égale au Billy Elliot. Vraiment un film qu'on ne peut oublier.

Les Virtuoses - Mark Herman



La préhistoire vue par Roland Emmerich. Voila qui promettait du spectacle. Par celui qui m'avait émerveillé avec Stargate, m'avait glacé avec Le Jour d'après, les prémices de l'humanité ne pouvaient être qu'attrayants. Une tribu de chasseurs nomades est un jour attaquée par des hommes en chevaux (le must à l'époque). La belle Evolet est enlevée. Un chasseur, pas mal du tout (et pas très poilu pour les canons de l'époque), amoureux de la donzelle, part à sa recherche, bien décidé à la ramener à la maison. Commence alors, une grande traversée du désert. Ça sera le premier héros, il sera la première légende. Un mythe fondateur. Bon ! Il faut le dire, c'est loin d'être réussi. Le scénario est d'une simplicité affligeante. Aucun cliché ne nous est épargné. Il y a des incohérences incohérentes. Des anachronismes que même un élève de 6ème est capable de relever (les Egyptiens avec des Pyramides, à cette époque; des menottes avec serrure, s'il vous plaît; des bateaux avec des voiles immenses...). Les acteurs sont bons mais, à peine dirigés, ils peinent à être crédibles sur la durée. Certains effets spéciaux sont complètement râtés : le tigre dents de sabre dans le village; des incrustations sur fond vert calamiteuse (la scène finale sur fond de rivière qui ne coule pas !). Bref, ce n'est pas pour ses qualités artistiques qu'on va aimer ce film. Mais malgré tout cela, j'ai passé un très bon moment. Du cinéma pop corn à l'état pur. Un film où il n'est pas besoin de réfléchir. L'aventure est présente. Le rythme est soutenu. Tout est savamment calculé pour que cela plaisent au plus grand nombre, malgré tous les défauts énoncés. Du cinéma business; du cinéma jackpot; du cinéma facile avant tout fait pour rapporter de l'argent. Mais bon, ça le fait tout de même, si on laisse son esprit critique (esprit tout court) à la porte de la salle de cinéma.

10.000 - Roland Emmerich



Julia est une fille un peu à l'ouest. Provocante et provocatrice, elle a surtout un sérieux problème avec l'alcool. C'est bien simple, elle a du whisky qui lui coule dans les veines. Elle n'est pas vraiment méchante, mais elle n'est pas non plus du genre à se laisser faire. Elle est persuadée que le sort et le monde s'acharnent contre elle alors qu'elle est la seule responsable de sa déchéance. Une rencontre l'entraîne dans un engrenage infernal qui l'amène à kidnapper Tom, un enfant de huit ans. Commence alors une fuite sans issue à travers le sud des Etats-Unis et qui les conduira jusqu'au Mexique. Revoici Mr Zonca. Dix années se sont écoulées depuis la vie rêvée des anges, monumentale bulle d'émotion brute. Une nouvelle fois, le cinéaste filme au plus près son héroïne; une sorte de corps à corps entre elle et la caméra. Julia, magnifiquement incarnée par Tilda Swinton, est une femme en constant équilibre sur le fil de la raison. Rongée par l'alcool, c'est une femme borderline qui a perdu ses repères entre le bien et le mal; une femme instinctive et animale. Il ne la lâche pas une seule seconde. Il pointe ses failles, ses détresses avec une approche infiniment sensible mais sans artifices. Pas de messages moralisateurs, pas de "c'est pas bien de boire"; plutôt une approche clinique et factuelle des événements dans lesquels le personnage s'embringue. Zonca réussit à nous embarquer dans ce road movie d'une noirceur épaisse; insufflant tantôt une atmosphère glauque, un climat paranoïaque (magnifique scène dans une gare), des situations de violence pure. Pourtant, il n'a pas réussi à se sortir d'un scénario à tiroir qui s'étire beaucoup trop. Le film perd en intensité sur son dernier rebondissement, franchement inutile. Vingt minutes de trop pour, au final, déboucher dans une impasse. Ce qui semble donner raison à Julia : décidément le sort s'acharne contre elle.
Julia - Erick Zonca
Ce film est une petite perle de sensibilité sur la vie d'une jeune indienne déracinée, venue épouser un homme, vivant à Londres. Nazneen laisse derrière elle sa jeunesse, son village et sa soeur bien aimée. Isolée dans ce pays, dans cette ville, dans ce quartier, qu'elle ne comprend pas, elle se consacre à sa famille. Elle rêve de retourner dans son pays, promesse que lui a fait son époux. Pourtant, au hasard d'une rencontre, elle tombe amoureuse d'un beau jeune homme (magnifique Christopher Simpson). Cette rencontre amoureuse sera pour elle, un révélateur. Elle pourra s'intégrer dans sa nouvelle vie. La réalisatrice, Sarah Gavron dont c'est le premier film, nous offre un film tendre et touchant, sans clichés excessifs, sans trop de guimauve non plus. Elle dresse un beau portrait de femme qui s'élève vers une liberté inattendue et inespérée. Le film parle sans lourdeurs d'immigration, de la difficile intégration et de la xénophobie ordinaire, de la tentation fondamentalisme de la communauté musulmane bousculée par l'après 11 septembre. Le film mélange avec bonheur réalisme social cher au cinéma anglais et poésie onirique (les flash back dans les verts paysages du Bengladesh). Un beau film.
Rendez-vous à Brick Lane - Sarah Gavron

Le corps d'une jeune fille est retrouvé dans un champs. Cette découverte va bouleverser la vie d'un certain nombre de femme. Il y a d'abord celle qui découvre le corps, pauvre fille vivant sous la tyrannie de sa mère handicapée. Il y a ensuite la jeune légiste qui souhaite plus que tout au monde que ce corps soit celui de sa soeur disparue quinze ans plus tôt, pour qu'elle puisse enfin faire le deuil. Il y a cette femme qui n'est plus dans la fleur de l'âge et qui vit avec un mari qui est le plus grand des inconnus et qui pourrait bien être l'assassin de la jeune fille. Il y a la mère de la morte qui essaie de comprendre qui était sa fille et ce qu'était sa vie. Et enfin, il y a la jeune fille assassinée, celle qui rêvait de vie meilleure mais que la mort fauchera sans qu'elle ait pu donner le cadeau d'anniversaire à sa petite fille. Cinq femmes, cinq portraits. Une sorte de puzzle dissonant autour d'un même événement. Cinq portrait, un film avec assez peu de cohésion. Le challenge est louable mais bien trop artificiel pour créer une homogénéité. Dommage. Quelques portraits sont particulièrement réussis comme celui de cette pauvre fille traumatisée, brillamment interprétée par Toni Collette; portrait qui prend des allures de Carrie de De Palma. Il y a aussi celui de la femme trompée (Mary Beth Hurt) par un mari meurtrier mais qui, par amour et malgré tout, couvrira ses crimes. Et puis il y en a des ratés. Celui de la fille assassinée, interprétée par Britanny Murphy, peu convaincante qui ne s'exprime qu'avec des "fuck" à tour de répliques. Et puis il y a celui de sa mère malgré la très bonne interprétation de Marcia Gay Harden qui sombre de la mièvrerie bon samaritaine gluante. Reste que la réalisatrice fait un très bon travail de mise en scène et soigne chaque plan. Le travail sur la lumière est magnifique. Une réalisatrice à suivre malgré tout.

The Dead Girl - Karen Moncrieff

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