26.9.08

La belle personne

Junie est une jeune adolescente évanescente et à l'air boudeur. Le visage diaphane, elle sourit peu et laisse transparaître une mélancolie et une tristesse pesante. Elle change de lycée suite au décès de sa mère. Prise en charge par son cousin, le troublant Matthias, elle est intégrée dans sa bande de copains. Très courtisée, elle accepte du bout des lèvres à se laisser aimer par le timide du groupe, Otto. Elle rencontre pourtant bientôt le grand amour en la personne de Nemours, son professeur d'italien. Passion qu'elle se refuse obstinément car vouée d'avance à l'échec.
Christophe Honoré adapte très librement la Princesse de Clèves de madame de La Fayette, vous savez le roman tête de turc, celui qui a donné des boutons d'acné à un certain président. La Cour du roi Henri II devient ici cour d'un lycée parisien peuplée d'adolescents occupés à la découverte de l'amour. Sous toutes ses formes. Junie est Mademoiselle de Chartres, belle, vertueuse, un brin dangereuse et vénéneuse. Le visage de l'innocence troublé par les affres des douleurs de l'amour.
Le réalisateur évite les écueils habituels du film parlant de l'adolescence. Pas de sociologie rabâchée, aucune espèce de nostalgie du passé. Il nous présente au contraire des adolescents normaux, ni trop beaux ni laiderons, ayant des préoccupations normales (la découverte des sentiments amoureux, les amis, les cours).
Ils sont normaux mais pas tant que cela. En effet, Honoré choisit de les plonger dans un univers intemporel. On a en effet du mal à dater l'époque où se déroule l'histoire. On voit bien par ci, par là, un téléphone portable, mais les costumes pourraient très bien être des années 80, l'esthétisme du film des années 70, le décors du lycée tout en moulures délavées, sorte de théâtre. Les adolescents qu'il présente sont eux aussi hors du temps. Ils sont comme des personnages rêvés ou fantasmés, qui n'existeraient plus à notre époque.
Et puis, il y a le ton Honoré. Paris, personnage à part entière de ses derniers films. Un Paris mélancolique, un peu triste, un peu gris. Un Paris qui fout un peu le bourdon. Un Paris qui ressemble à ces personnages, ici Junie mais hier aux personnages endeuillés des Chansons d'Amour. Il exprime les sentiments de ses personnages (la jalousie, la mesquinerie, la tristesse, la faiblesse...) par petites touches, avec pudeur, sans jamais verser dans le malsain ou la gratuité.
Au final, il nous donne un film beau et touchant. Un film émouvant et passionnant. Un film vivant et touché par la grâce de ses acteurs. Louis Garel et Gregoire Le Prince-Ringuet sont encore une fois magnifiques et parfaits. Léa Seydoux apporte un côté mystérieux et troublant à son personnage; une fragilité qui n'est pas sans rappeler la jeune Isabelle Adjani.
La Belle Personne est une nouvelle perle dans la filmographie de Christophe Honoré qui en compte déjà beaucoup.

La Belle Personne - Christophe Honoré

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